Pierres précieuses

 

 

     « Bonsoir à tous et bienvenue sur le plateau de « Souriez, vous êtes filmés », un plateau chargé de strass et de paillettes car ce soir nous irons jeter un œil du côté des pierres précieuses !

     Mais avant de nous plonger dans les diamants, les saphirs, les rubis et autres émeraudes, rappelons l’adresse à laquelle vous devez toujours nous envoyer vos perles — pardon ! — vos cassettes les plus drôles : « Souriez, vous êtes filmés » BP6, Schaerbeek 6, 1030 Bruxelles.

     Donc, les pierres précieuses. Elles évoquent immédiatement des trésors fabuleux comme celui de Rackham le Rouge, par exemple, caché dans les caves du château de Moulinsart, ou celui d’Ali Baba. Pourtant ces pierreries ne sont que de simples cristaux, comme 90% des roches qui nous entourent : les montagnes, le fond des océans, les plages, la croûte terrestre... autant de particules cristallisées.

     D’où vient le mot « cristal » ? Mais du grec, bien sûr, et plus exactement de « kryos », le froid...

     On en reparle après ça, attention, maladresses en tous genres...

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     « Cristal vient donc de « kryos », froid en grec, car les Anciens pensaient que le cristal de roche était de la glace si profondément gelée qu’elle ne pouvait plus jamais fondre.

     Tout est cristal dans la nature, du moins tout ce qui est inerte et minéral — et pourtant les cristaux poussent ! En effet, sous certaines conditions de température et de pression les atomes s’organisent en figures régulières . Les molécules d’eau, par exemple, forment des cristaux de glace dès que la température descend sous zéro...

     Les cristaux étaient recherchés pour leur rareté, pour la régularité de leur forme, pour les pouvoirs magiques qu’on leur prêtait. Certains étaient si durs — comme l’obsidienne — qu’ils servaient d’arme au néolithique, hache ou poignard par exemple.

     Bien avant l’invention de la monnaie certaines pierres précieuses ont servi de moyen d’échange mais c’est pour l’ornement qu’elles étaient prisées : jade, lapis-lazuli, turquoise, tout cela fut retrouvé en bagues et en colliers dans les tombes égyptiennes, sumériennes, chinoises ou mayas.

     Quelques bêtises de chez nous à présent...

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     « Les Grecs et les Romains pensaient que les pierres précieuses — ces larmes des cieux coagulées — avaient la faculté de se reproduire. Le mot « gemme », d’ailleurs, dérive du latin gemma qui désigne le bourgeon végétal.

     Ainsi Pline l’Ancien signale-t-il pour les mines d’Andalousie : « Il y a là un fait merveilleux : ces mines, quand elles sont exploitées pendant un certain temps, se remplissent et produisent plus de métal que jamais ! ».

     Théophraste, élève d’Aristote et considéré aujourd’hui comme le père de la botanique, pensait lui aussi que les pierres se reproduisaient Mieux, il affirmait que les cristaux, dans les cavernes, étaient des fleurs qui poussaient sur les parois !

     C’est plus poétique que le programme spatial Diamant, ancêtre de la fusée Ariane, dont les missiles s’appelaient Agate (sans h), Topaze, Rubis, Émeraude et Saphir... Quelques animaux à présent.

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     « Il existe plus de 3.000 minéraux différents, mais seuls une 50aine sont considérés comme des gemmes. C’est à dire des pierres fines utilisées en joaillerie pour leur beauté, leur couleur et leurs jeux de lumière. Ce sont notamment la topaze, l’aigue-marine, la citrine, l’améthyste ou la tourmaline. Mais parmi elles seules l’émeraude, le saphir, le rubis et le diamant ont droit à l’appellation de pierres précieuses ! Pourquoi ? Parce qu’elles sont belles, et... dures !

     La dureté des pierres est un critère important en minéralogie. Notre ongle, par exemple, a une dureté de 2,5 — il raye donc le talc, dureté 1, le gypse, dureté 2, mais pas la calcite, dureté 3, ni la fluorite, dureté 4, ni l’apatite, dureté 5, ni l’orthose, dureté 6, ni le quartz, dureté 7, ni la topaze évidemment, dureté 8, ni le corindon, dureté 9, ni le diamant, dureté 10...

     Cette échelle de dureté, où chaque minéral raye celui qui précède tout en étant rayé par le suivant, fut inventée en 1812 par Friedrich Mohs, un minéralogiste autrichien pas spécialement dur... un peu mou, peut-être, à l’image des sportifs qui suivent...

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     « Le diamant est le plus dur de tous les minéraux. C’est du carbone pur dont les atomes sont disposés en structure cristalline hyper rigide. Le graphite de nos crayons est aussi du carbone pur... mais en vrac, en désordre — il ne vaut donc pratiquement rien par rapport au diamant.

     Diamant veut dire « indomptable » en grec, et ce mot évoque sa dureté exceptionnelle. Il faut dire qu’il vient de loin : le carbone qui le constitue a dû cristalliser pendant des centaines de millions d’années à plus de 200 kilomètres de profondeur, sous des pressions énormes ! Ce sont des éruptions volcaniques qui poussent les diamants vers la surface.

     Les premiers d’entre eux furent découverts il y a 2000 ans en Inde et les plus gros du monde viennent de ce pays. Vers 1700 c’est le Brésil qui devient le principal fournisseur, avant de passer la main, en 1870, à l’Afrique du Sud. Aujourd’hui c’est l’Australie qui tient la corde : un diamant sur 4 en provient — bien qu’ils soient pratiquement tous réservés à l’industrie. Voici quelques gamins brillants, regardez...

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     Les noces de diamant ? Elles se célèbrent après 60 ans de mariage : très dur aussi, non ? — 60 ans à se cogner, à se tanner, à se griffer sans provoquer la moindre rayure, bravo, ça se fête !

     Les pierres ont leur langage, et les cristaux leurs légendes. Ainsi le diamant est-il associé non seulement au mois d’avril mais à la pureté, à la fidélité, à ce qui dure. C’est la pierre qu’on offre le plus pour sceller les unions : les diamants ne sont-ils pas éternels ? Ils avaient même le pouvoir, croyait-on, de guérir tous les maux.

     Ainsi Jules de Médicis, plus connu sous le nom de Clément 7, notre pape numéro 217, tomba-t-il malade à Rome un vilain jour de 1534. Aussitôt les médecins accoururent à son chevet et décidèrent de le soigner avec du diamant pilé en poudre. Le malheureux mourut à la quatorzième cuillerée... Une potion qui avait coûté une fortune pour un bien curieux résultat...

     À propos, connaissez-vous les diamants les plus gros ? Vous avez vu récemment à la télévision l’un des plus célèbres d’entre eux, le Koh-i-noor.

     On en reparle après ça...

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     « Le Koh-i-Noor vient du Punjab, en Inde. Son nom signifie « Montagne de Lumière ». Il est de forme ovale et pèse 106 carats, soit un peu plus de 21 grammes. On a pu le voir en avril de cette année ornant la couronne de la défunte « Queen Mum ». Cette couronne, conservée en temps normal à la Tour de Londres, était posée sur son cercueil.

     Le Koh-i-Noor, ce fabuleux diamant découvert au 14e siècle, est passé entre les mains de plusieurs souverains afghans, perses et indiens avant d’être offert à la reine Victoria. La légende dit qu’il porte malheur aux hommes qui le possèdent et son nom, en effet, est associé à une histoire tragique faite de meurtres, de trahisons et d’affrontements sanglants.

     Pourquoi pèse-t-on les pierres précieuses en carats ? Parce qu’on les a jaugées pendant des siècles à l’aide de graines de caroubier, dont la taille et le poids sont constants, sous toutes les latitudes : un carat correspondait au poids d’une graine. Il y a un siècle on décida de conserver le mot carat et d’en fixer le poids à 1/5e de gramme.

     Voici quelques chutes carat — binées...

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     « Bienvenus à nouveau sur le brillant plateau de « Souriez, vous êtes filmés », brillant, c’est le cas de le dire, car nous nageons dans les pierres précieuses ce soir... et les eaux du port d’Anvers ! Pourquoi ? Mais parce qu’Anvers est la capitale mondiale du diamant ! Neuf diamants sur dix y sont négociés ! Et 50 % des diamants du monde y sont polis ! Les meilleurs ouvriers y travaillent, coupant, taillant, clivant comme de véritables artistes ! Car les diamants ne prennent vraiment de valeur que quand il sont taillés ! Et l’erreur n’est pas permise ! Quelques coups de lame de travers et ce sont des millions qui s’envolent ! Il faut donc examiner la pierre au microscope pendant des jours, lui tourner autour, renifler sa structure et ses plans cristallins, l’éclairer par des lumières différentes puis lui porter en traître le coup fatal — paf ! Tout cela demande du sang-froid, de l’expérience et un métier formidable !

     Ce savoir est à Anvers depuis 5 siècles, concentré dans quelques kilomètres carrés autour de la gare. Le chiffre d’affaires du diamant y dépasse pourtant les 30 milliards d’euros par an... Brillant, je vous dis !

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     « Et l’émeraude ? C’est, après le diamant, la deuxième pierre précieuse par ordre alphabétique, l’une des plus dures au monde aussi. Les plus belles viennent des mines de Chivor et de Muzo, en Colombie. Mais c’est quoi, une « belle » émeraude, au fond ? On considère que sa beauté vient de sa taille, bien sûr, mais surtout de sa couleur, qui doit être d’un vert profond. Cette couleur verte provient de minuscules inclusions dans le corps du cristal. Ici du chrome et du vanadium harmonieusement semés à l’intérieur d’un cyclosilicate d’aluminium et de béryllium — c’est ce que disent les cristallographes et les chimistes...

     L’émeraude est associée à la connaissance et à l’acuité visuelle. Ainsi l’empereur Néron regardait-il les combats de gladiateurs au travers d’une émeraude : il pensait que sa vue en serait aiguisée !

     De magnifiques émeraudes sont visibles au palais de Topkapi, à Istanbul, dont la plus grosse du monde, laquelle fait 3 kg 26 — tiens, c’est exactement ce que je pesais à ma naissance... J’avais tout de même le teint moins verdâtre !

     Voici d’autres zèbres...

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     « Le rubis appartient à la famille des corindons, lesquels ne sont finalement que de simples oxydes d’aluminium — mais qui ont plutôt bien tourné ! Cette pierre précieuse est parmi les plus belles, surtout dans sa robe « sang de pigeon », un rouge très profond et recherché... Cette couleur rouge des rubis sera d’ailleurs invoquée par les guérisseurs pour soigner les victimes d’hémorragies, et ce par une simple caresse et quelques formules — on peut toujours rêver...

     Dans le même genre poético-fantastique prétendait-on que l’œil unique des dragons était constitué d’un énorme rubis !

     L’un des plus gros et des plus connus se trouve à Washington, à la Smithsonian Institution : c’est le « Reeves ». Le « Reeves » contient des inclusions qui produisent des reflets en forme d’étoile à six branches — une pure merveille ! On parle à cette occasion d’œil de chat — les spécialistes préfèrent évoquer l’astérisme des cabochons...

     C’est dans le nord de la Birmanie qu’on trouve les plus beaux rubis : dommage qu’ils financent la dictature locale...

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     « Le saphir est aussi un corindon, comme le rubis. Ils ne sont rayés tous deux que par le diamant. Les saphirs les plus recherchés sont bleus, mais on en trouve de toutes les couleurs, lesquelles dépendent des proportions de titane inclus, de fer, de vanadium, de chrome etc.

     Du grec « sapheiros » — la belle chose bleue —, le saphir symbolise le calme des cieux, apportant la paix, favorisant la méditation. Au 6e siècle déjà un décret pontifical faisait du saphir la pierre que les cardinaux devaient porter à la main droite, celle qui bénit...

     Charlemagne possédait un collier-talisman composé d’un morceau de bois issu de la croix du Christ et de deux saphirs. Ces saphirs avaient été taillés à la cour du calife Haroun-al-Rashid : on leur attribuait le pouvoir d’éloigner les sortilèges et le mauvais œil.

     Le saphir a porté des noms différents, et ça embrouille un peu les choses : aigue-marine orientale, alexandrite bleue, topaze royale... Le saphir du Brésil, lui, n’est qu’une vulgaire topaze bleue, le saphir d’eau une simple cordiérite et le saphir oriental une tourmaline. Débarrassez-vous-en, ça ne vaut rien et envoyez- moi tout, je m’en occupe !

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     « Et voilà, en piste pour la troisième partie de cette émission consacrée aux pierres précieuses. Et à ce coin perdu d’Afrique du Sud où, un beau matin de 1866, un gamin de 15 ans ramasse sur les bords d’une rivière un caillou qui brille plus que les autres. Il l’apporte à un fermier local, un certain Van Niekerk, collectionneur de minéraux, qui en vérifie la dureté sur un bout de vitre : elle se raye, tiens, tiens ! Van Niekerk empoche donc le spécimen et remercie le gamin ! Quelques semaines plus tard il le vend car il a compris que c’était un diamant...

     Ce dernier est connu aujourd’hui sous le nom d’Eureka, ce fut le premier gros diamant découvert en Afrique du Sud. Mais curieusement cette histoire ne rameuta pas les foules, bien que l’écho de l’Eureka fût parvenu jusqu’en Angleterre. Au contraire, un géologue dépêché sur place par un diamantaire de Londres affirma que « la découverte du diamant en Afrique du Sud est une imposture ! ».

     Il devait avoir de la poussière dans les yeux, ce perspicace géologue... Van Niekerk, lui, trouva encore mieux, 3 ans après...

     Après ceci.

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     « Van Niekerk en effet — nous sommes toujours en Afrique du Sud, mais en 1869 — Van Niekerk donc, fort de l’expérience acquise avec l’Eureka, entend quelqu’un parler d’un deuxième caillou, trouvé sur le même bout de terrain que le premier, le long de la rivière Orange. Il part donc à la rencontre de l’heureux découvreur qui se révèle être un berger hottentot. Van Niekerk discute, argumente et emporte finalement le caillou en échange d’un cheval, de dix bœufs et de 500 moutons !

     La pierre est énorme. Elle pèse 83,5 carats et deviendra plus tard, convenablement taillée, la fameuse Étoile de l’Afrique du Sud.

     Ce fut alors la ruée. Les mines de Kimberley venaient d’être découvertes. Le Transvaal, cette région d’Afrique du Sud qui jouissait alors d’une relative indépendance, fut le théâtre de guerres coloniales impitoyables...

     Car quelques-uns des plus gros diamants du monde allaient sortir de ce pays : le Cullinan notamment, qui faisait 3106 carats, soit plus d’un demi-kilo avant d’être taillé !

     On se cogne aussi dans les images qui suivent, attention...

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     « Tiens, mais pourquoi taille-t-on les pierres précieuses ? Car qui dit taille dit matière en moins et réduction de nombre de carats !

     C’est vrai, et c’est le point de vue qui prévalut longtemps. On se contentait de polir les pierres brutes pour les faire briller. On ne touchait pas à leur forme. C’est à Venise, au 12e siècle que l’on commença à pratiquer systématiquement la taille géométrique. On s’était rendu compte que les jeux de lumières étaient beaucoup plus beaux dans les pierres taillées — les rayons lumineux rebondissant dans toutes les directions et changeant même parfois de couleur selon l’inclinaison des facettes.

     De nombreuses formes furent essayées, mais la taille dite en brillant devint classique dès le 17e siècle. Le Koh-I-Noor fut retaillé en brillant, par exemple. Toute l’astuce de la taille étant de trouver le bon compromis entre grosseur de la pierre brute et nombre de facettes découpées.

     Les émeraudes, les rubis et les saphirs ont une forme de taille particulière dite à degrés , laquelle respecte mieux leur couleur propre.

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     « Voilà, c’est avec ces images que nous allons devoir nous séparer. J’aurais encore aimé vous parler des boules de cristal, dans lesquelles on lit l’avenir ou des lames de quartz à travers lesquelles regardaient les Vikings, les jours de brouillard : en effet le quartz changeait de teinte quand il était dirigé vers le soleil et ils pouvaient s’orienter à nouveau — en fait ce sont eux les inventeurs des lunettes polarisées !

     Il y avait aussi la magnétite, un oxyde de fer, qu’Alexandre le Grand demandait à ses soldats de porter sur eux : ces cristaux naturellement aimantés devaient repousser les esprits malfaisants !

     En revanche nous ne repousserons pas vos cassettes de vacances : envoyez-nous toujours vos images les plus drôles à « Souriez, Vous êtes filmés ! », BP 6, Schaerbeek 6, 1030 Bruxelles.

     Voilà, c’était notre 31e émission, la dernière de la saison, ayez l’œil vif cet été, surtout dans les Ardennes ou en montagne, qui sait si vous ne trouverez pas le prochain Koh-i-noor !

 

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