La météo

 

 

     « Bonsoir à tous et bienvenue sur le plateau de « Souriez, vous êtes filmés » ! Ce soir nous irons jeter un œil du côté de la météo et du temps qu’il fait — ou qu’il fera. Il faut savoir en effet que l’état du ciel a toujours préoccupé les pauvres terriens que nous sommes : le succès, à la télévision, de la séquence météo — la plus forte audience de la chaîne — en est la preuve !

     Mais avant de nous plonger dans les anticyclones, les cumulonimbus et autres thalwegs, rappelons l’adresse à laquelle vous devez nous envoyer vos cassettes : « Souriez, vous êtes filmés » BP6, Schaerbeek 6, 1030 Bruxelles. Ce qui nous plaît le plus dans vos envois, bien sûr, ce sont les chutes de belles-mères, les glissades au fond du jardin, les cérémonies qui déraillent, bref, tous les ratés du quotidien — mais nous apprécions aussi ce qui sort de l’ordinaire : tempête force 10 à la côte, pluie de sable en provenance du Sahara ou grêlons gros comme des boules de pétanque !

     On en reparle après ça, attention, couvrez-vous !

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     « On dit de la météorologie que c’est une science. Mais tous ceux qui découvrent le samedi matin que le week-end sera pourri — alors qu’on leur avait dit le contraire —, tous ceux-là rigoleront doucement !

     Et pourtant la météorologie est bien une science. Mais pas exacte, au sens « physique », « chimie » ou « mathématiques ». Elle partage en effet ce grand handicap avec l’astronomie qu’on ne peut rien expérimenter... Comment voulez-vous détourner un vent chaud sur un lac glacé afin de vérifier le type de brouillard qui en sortira ?

     Donc, à défaut d’expérimentation, les météorologues — comme les astronomes — ne peuvent qu’observer... et tenter de dégager des lois générales.

     Quoi qu’on en dise, d’immense progrès ont été réalisés. Elle est très éloignée l’époque où l’on prédisait le temps de la journée en tenant compte uniquement de deux observations : le temps qu’il faisait la veille ou celui qu’il faisait un an auparavant, jour pour jour.

     Les véritables débuts de la météorologie ont 4 siècles, ils datent des premiers instruments de mesure — on en parle après ça...

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     « Or donc Galilée, vers l’année 1600, dans la belle ville de Padoue, fabriqua le premier thermomètre. Il s’agissait d’un long tube de verre surmonté d’une sphère. On prenait la sphère dans les mains et celle-ci s’échauffait. Puis on ôtait les mains tout en plaçant l’extrémité inférieure du tube dans un récipient d’eau. L’air, en se refroidissant dans la sphère, se contractait — aspirant l’eau dans le tube. Une graduation mesurait la colonne d’eau — donc la température des mains...

     Torricelli, son disciple, découvrit la pression atmosphérique — qui n’est rien d’autre que le poids de l’air qu’on a au-dessus de la tête — et ce grâce à la fameuse expérience du tube de mercure retourné dans un bain du même métal.

     Quant à l’hygromètre — appareil mesurant l’humidité de l’air — il fut inventé vers 1660 à Florence par Ferdinand II de Médicis, grand protecteur, entre autres, de Galilée : la boucle est bouclée.

     Avec ces instruments on put s’attaquer scientifiquement à l’étude de l’atmosphère, ouvrant ainsi la voie aux prédictions météo modernes...

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     « Sans atmosphère, pas de météo ! Sur un corps céleste comme la Lune, les météorologues feraient rapidement faillite : à part la température, que mettre dans les bulletins — et la température de quoi, au fond ? C’est donc l’état de l’air qui fait notre climat : sa température donc, son humidité, sa quantité ici ou là, ses vitesse et direction de déplacement. Sa qualité aussi, qui peut varier selon qu’on lui ajoute ou retranche du gaz carbonique, de l’eau, du soufre, des pollens, de la poussière, etc.

     Celui qui agite tout ça c’est le soleil. C’est lui qui chauffe les océans et les continents, lesquels transmettent ensuite leur température à l’air. L’air chaud monte, l’air froid descend, les nuits et les jours se succèdent, le vent essaie d’équilibrer toutes ces masses en mouvement...

     La géographie, avec ses montagnes, ses plaines, ses mers vient encore compliquer le tout. Sans parler des activités humaines...

     Les ingrédients de base qui font le climat sont pourtant simples : une source de chaleur, un peu d’air et une planète assez grosse pour le retenir, histoire qu’il n’aille pas se perdre dans l’espace...

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     « Dans le folklore de nombreux pays revient la figure du tempestaire. Le tempestaire est un sorcier qui commande aux marées aux nuages et aux vents. Il provoque des tempêtes s’il le désire — d’où son nom.

     Pour les Grecs le dieu du vent est Éole et celui-ci habite dans une île. Au cours de son odyssée, Ulysse rend visite à Éole car il en a marre de ses aventures. Il lui demande une faveur, un vent favorable qui le ramènerait chez lui, en Ithaque. Éole accepte et lui fait don d’une outre contenant tous les vents violents. Un seul n’y est pas, le Zéphyr, vent d’ouest qui devra mettre fin à ses tourments. Ulysse reprend la mer et, en effet, la voile se gonfle dans la bonne direction. Mais quelques jours plus tard, alors qu’il touchait au but, ses marins, assoiffés, ouvrent l’outre, pensant y trouver du vin. Mal leur en prit car les vents emprisonnés s’échappèrent en grondant, déroutant une fois de plus le navire...

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     « L’échelle de Beaufort est bien connue des marins et des amateurs de vent. La voici :

0 beaufort — calme, la fumée s’élève verticalement, la mer est comme un miroir

1 beaufort — très légère brise, il se forme des rides, mais sans écume

2 — légère brise, vaguelettes courtes, les crêtes ne déferlent pas

3 — petite brise, très petites vagues, écume d’aspect vitreux

4 — jolie brise, petites vagues devenant plus longues, moutons nombreux

5 — bonne brise, vagues modérées, allongées, moutons nombreux

6 — vent frais, des lames se forment, crêtes d’écume blanche

7 — grand frais, la mer grossit, écume blanche soufflée en traînées

8 — coup de vent, lames de hauteur moyenne, tourbillons d’embruns se détachant de la crête

9 — fort coup de vent, grosses lames, les crêtes s’écroulent et déferlent en rouleaux

10 — tempête, très grosses lames, longues crêtes en panache, rouleaux déferlant brutalement

11 — violente tempête, lames exceptionnellement hautes, mer recouverte de bancs d’écume blanche

12 — ouragan, air plein d’écume et d’embruns, mer entièrement blanche, aucune visibilité, prévenir Maman que je serai en retard ce soir... 

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     « Qu’y a-t-il de plus beau qu’un nuage ? — Deux nuages, bien sûr... C’est quoi un nuage ? De l’eau en suspension. Et d’où vient cette eau ? De la mer, des océans, des lacs : elle s’évapore de manière continue et invisible à nos yeux, passant dans l’atmosphère sous forme de vapeur d’eau. Il n’y a véritablement nuage que quand cette vapeur d’eau se condense en gouttelettes. À l’approche d’une montagne, par exemple, où de l’air humide et transparent est poussé vers le haut par le vent. Comme il fait plus froid quand on s’approche du sommet, les nuages apparaissent comme par magie.

     Qui est le Meneur de Nuées, le Nubeiro ? C’est un personnage mythique qui revient dans plusieurs contes, un géant qui chevauche les nuages, affublé d’un chapeau de berger, les poches pleines de grêlons destinés aux mauvais agriculteurs... Il pousse les nuées devant lui, comme autant de moutons — et on croit le reconnaître parfois dans les nuages, avec sa longue barbe... Il fait peur, le Nubeiro, car la grêle détruit les récoltes et abîme les fruits...

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     « Retour à la météo, et aux nuages — dont il semble impossible de nommer tous les types... et pourtant !

      C’est Luke Howard, un pharmacien anglais et météorologue amateur, qui eut le premier l’idée, en 1803, de les distinguer par leur forme, par leur hauteur dans le ciel et par leur faculté à produire ou non de la pluie.

     Les nuages qui ressemblent à de gros tas sont des cumulus ; ceux qui sont disposés en couches plates sont des stratus et ceux qui ressemblent à des mèches de cheveux dans le ciel sont des cirrus.

     Ce n’est pas tout : quand un nuage flotte à plus de 6000 mètres on met le préfixe « cirro » devant — cirrostratus, par exemple. Plus bas, et jusqu’à 2000 mètres, on ajoute « alto » —altocumulus par exemple. En dessous de 2000 mètres le nuage garde simplement son nom.

     En revanche si le nuage est susceptible de produire de la pluie on met quelque part « nimbo » ou « nimbus » — nimbostratus par exemple.

     Et le brouillard ? C’est un nuage, lui aussi, le plus bas de tous... 

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     « Les nuages sont merveilleux, pour qui sait les observer. Il est même permis de les collectionner, sous forme de photo. Certains nuages étant rares dans nos contrées — les nuages lenticulaires, par exemple, qui ressemblent à de belles assiettes bien nettes, et qui ont besoin d’une montagne pour voir le jour —, il vous faudra voyager par le vaste monde, ouvrir de temps en temps un parapluie, c’est vrai, mais surtout les yeux ! Car le spectacle peut être féerique, quelle que soit la période de l’année ou l’heure du jour.

     Regardez les nuages qui passent autour de moi, ils sont presque aussi beaux que les noms latins à rallonge qui les accompagnent : Fractonimbus, Stratocumulus castellanus, Cumulus mediocris, Altostratus translucidus, Altocumulus floccus, Cirro-stratus nebulosis, Cirro-cumulus undulatus, Altostratus mammatus, Cumulus humilis, Cirrus radiatus, etc., etc.

     Et les voiles de la Vierge, vous connaissez ? C’est quand il pleut mais que la pluie s’évapore avant de toucher le sol, formant de superbe voiles qui ondoient sous les nuages...

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     « La dépression, comme son nom l’indique, est ce qui nous apporte en général du mauvais temps, des ciels nuageux, du froid et de la pluie. Elle se forme au contact de gigantesques masses d’air qui bougent dans des directions différentes. D’où viennent ces masses d’air ? Celles qui font la météo chez nous se forment près du pôle nord, — elles sont sèches et froides —, et sur l’océan Atlantique, près des tropiques — elles sont humides et chaudes. Il y a aussi celles qui se forment sur les continents, mais leur rôle est moins prononcé.

     Quand deux masses d’air de type opposé se rencontrent, les météorologues se frottent les mains : ah, enfin, de l’action !

     Le contraire de la dépression c’est l’anticyclone. Celui des Açores est bien connu. Pourquoi y a-t-il un anticyclone aux Açores ? Par ce que c’est là que retombe l’air chaud que le soleil a pompé à l’équateur. Et pourquoi justement là ? À cause de Gustave Gaspard de Coriolis...

     Qui c’est celui-là ? La réponse après ceci...

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     « Gustave Gaspard Coriolis est un ingénieur français qui publie en 1831 à l’Académie des sciences un mémoire sur les équations du mouvement relatif des systèmes de corps. Il soulèvera en fait le voile sur les mystères des référentiels tournants, découvrant une « force » inconnue.

     Coriolis avait en effet remarqué que les artilleurs devaient toujours viser légèrement à gauche de leur cible pour être sûrs de l’atteindre. Du moins dans notre hémisphère. Il comprit qu’au moment du tir le canon et la cible étaient entraînés vers l’est à cause de la rotation de la terre — mais pas à la même vitesse !

     Cette « force d’inertie » qui affecte les objets en mouvement a pris son nom. Elle permet d’expliquer pourquoi l’air s’engouffre dans les dépressions en tournant dans le sens contraire des aiguilles d’une montre — dans notre hémisphère toujours, car c’est l’inverse dans l’hémisphère austral.

     Il en va de même pour les tornades, mais pas pour les lavabos ni les baignoires qui se vident... On en reparle après ça...

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     « Et voilà, en piste pour la troisième partie de cette émission décoiffante — à cause du vent bien sûr, vent que dévie la force de Coriolis comme nous l’avons vu.

     Les tornades se produisent sous les cumulonimbus en général — ces gros nuages en tas qui peuvent atteindre plusieurs kilomètres de haut. Elles surviennent quand une colonne d’air chaud monte violemment vers le ciel et que cette colonne est mise en mouvement rotatif par des vents d’altitude.

     Les tornades provoquent des dégâts considérables car les vents qui les enveloppent peuvent tournoyer à plus de 400 km/h. Il faut savoir que ces gigantesques aspirateurs sont capables de soulever des poids-lourds ou de renverser des locomotives !

     En mer ou sur les lacs on les appelle trombes marines mais ces longs serpents y sont relativement moins dévastateurs — sauf pour les bateaux qui passent dessous !

     Curieusement c’est le Royaume-Uni qui voit se former, en Europe, le plus grand nombre de tornades par an — elles ne durent que quelques minutes heureusement...

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     « Beaucoup plus dévastateur que la tornade, voici l’ouragan. Il naît le plus souvent au-dessus des océans tropicaux, commençant en petit orage. Si l’eau de mer dépasse 24°, des vents contraires se mettent à s’enrouler les uns autour des autres. L’air chaud et humide est aspiré vers le haut, fournissant de plus en plus d’énergie au monstre. Même l’eau est aspirée : le niveau de la mer peut grimper de huit mètres ! Les ouragans s’accompagnent d’ailleurs souvent d’un raz-de-marée. La seule zone de calme est l’œil, en son centre. Le soleil y brille et le vent n’y souffle pas — mais gare à celui qui s’approche des parois !

     Quand il rencontre la terre ferme l’ouragan produit d’effroyables dégâts, mais il perd aussi de sa force car le carburant s’épuise : il y a moins d’air chaud et humide sur terre que sur les eaux tropicales.

     L’ouragan porte le nom de hurricane, aux États-unis, de typhon dans le Pacifique, de cyclone tropical en météorologie officielle — mais c’est le nom australien qui est le plus mignon — si l’on peut dire : willy willie !

     Sauvez-moi !

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     « Ce qu’il y a de fascinant dans la météorologie d’aujourd’hui c’est l’écart entre la simplicité des éléments mis en jeu — de l’air, du soleil, une Terre en rotation — et l’effroyable complexité des calculs à résoudre pour prévoir le temps à quelques heures. Cette science utilise d’ailleurs les plus gros ordinateurs que l’homme ait jamais construits.

     Pourquoi ? Parce que la seule façon de faire consiste à lier entre elles des centaines de milliers de mesures. Celles-ci auront été fournies par des stations météo disséminées dans le monde entier — sans compter les ballons-sonde, les avions, les satellites, les balises automatiques, etc. —, mesures qui doivent être rafraîchies le plus souvent possible évidemment. On demande de la fiabilité, bien sûr, de la précision géographique et de la rapidité — et c’est ce qui explique l’emploi de ces ordinateurs géants. Celui qui tient le pompon de nos jours c’est l’« Earth Simulator » de chez NEC à Yokohama. Mis en service en mars de cette année, sa puissance dépasse les 40 teraflops — ce sont des trillions d’opérations en virgule flottante par seconde.

     Le coût de la bécane est bonbon, lui aussi...

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     « Voilà, c’est avec ces images que nous allons devoir nous séparer. J’aurais aimé encore vous parler d’autres phénomènes météo extraordinaires — les nuages artificiels par exemple, provoqués par les tours de refroidissement de certaines centrales, ou même les traînées de cristaux que laissent les avions dans la stratosphère et que les vents dispersent en longues écharpes...

     Extraordinaires aussi la foudre en boule chère à Tournesol ou les arcs-en-ciel de lune, très, très rares mais biens réels — et si vous en avez photographié un, faites-le nous savoir, nous passerons votre cliché à l’antenne.

     Rappelons d’ailleurs l’adresse à laquelle vous devez toujours nous envoyer vos cassettes : « Souriez, Vous êtes filmés ! », BP 6, Schaerbeek 6, 1030 Bruxelles.

     Voilà, si les thalwegs, les dorsales, les aurores boréales, les brouillards d’adversion, les rues de nuages et autres faux soleils vous passionnent, sautez sur les livres de Brian Cosgrove — que ce soit chez Gallimard, « Le temps qu’il fera », ou chez Proxima, « Comprendre la météo ».

     À bientôt ­et... sortez couverts !