Étoiles
« Bonsoir
à tous et bienvenue sur le plateau de « Souriez, vous êtes filmés » ! Ce soir nous irons jeter un
œil du côté des étoiles — les
vraies, pas celles qu’on donne aux grands hôtels ou aux grands restaurants, ni
celles qui grimpent les marches du Palais des festivals, à Cannes ! Ces
stars-là ont leurs palmes et leurs oscars, les nôtres l’éternité, ou presque,
devant et derrière elles !
Mais
avant d’en arriver là, veuillez noter notre adresse, inchangée : « Souriez, vous êtes filmés » BP6, Schaerbeek 6, 1030 Bruxelles — adresse
à laquelle vos cassettes sont toujours les bienvenues ! Faites d’ailleurs
comme Y... de Tubize, qui nous a séduits avec son numéro baptisé « Sauvez Willy » — je n’en dis pas
plus, vous verrez plus tard dans l’émission !
On
commence par quoi ? Par Izar ?
Alkalurops ? Mufrid ou Arcturus — respectivement epsilon,
mu, nu et alpha du Bouvier ?
Non,
on commence par une petite séance d’arrosage...
_________________________
« Les
étoiles, donc, semblent beaucoup plus solides et stables que la chaise qu’on
vient de voir et pourtant elles naissent, vivent, vieillissent et meurent comme
chacun de nous !
Mais
qu’est-ce que c’est, au fond, une étoile ? C’est une boule de feu, une
centrale nucléaire volante, une bombe atomique en explosion permanente ! —
et celle que nous connaissons le mieux s’appelle Soleil, c’est l’étoile la plus proche de la Terre, 8 minutes et des
poussières à peine, à condition de se déplacer à la vitesse de la lumière !
Les
étoiles naissent probablement par accumulation de poussières, justement, et de
gaz. Des nuages errants d’hydrogène et d’hélium finissant par former, on ne
sait trop comment, d’immenses disques de matière en rotation. Sous leur propre
poids, ces milliards de molécules de gaz s’agglutinent une à une au centre de
ce disque — et un bébé soleil se met à naître !
Parfois
ce sont des collisions de nuages qui amorcent le processus d’accrétion, comme on dit, parfois ce
sont les ondes gravitationnelles à l’œuvre dans les bras spiralés des
galaxies...
_________________________
« Y
a-t-il beaucoup d’étoiles qui naissent ainsi chaque jour ? Eh bien
non ! Pour notre galaxie, qui s’appelle la Voie lactée, il semblerait que la masse totale des étoiles venant
au monde chaque année ne représente que 5 ou 6 soleils ! Ça peut se faire
sous forme de portée d’une quinzaine d’étoiles de petite taille — une par mois
environ — ou sous forme d’un ou deux soleils très massifs. De toute façon on ne
peut y assister, à ces naissances, elles sont invisibles à l’œil nu — et même
invisibles au télescope, tout se passe dans le noir au début... On a ses
pudeurs là-haut !
Les
étoiles, c’est bien, vous entends-je soupirer, mais d’où vient la matière qui
les a constituées ? D’où vient, d’ailleurs, tout l’univers ? Et qu’y
avait-il avant ce fameux Big Bang
dont on nous rebat les oreilles ? Eh bien la réponse est décevante :
avant le Big Bang il n’y avait
rien, puisque le temps est né avec le Big
Bang ! Cette question de l’avant Big Bang revient à demander ce
qu’il y a au nord du pôle nord ! Eh bien au nord du pôle nord, il n’y a
rien, cette question n’a pas de sens !
Ça
sent le tour de passe-passe, non ? Et pourtant, les savants n’ont pas
trouvé mieux pour l’instant !
_________________________
« Le
titre d’un célèbre livre de Hubert
Reeves est « Poussières d’étoiles ». Il y montre que nous,
habitants de la Terre et occupants de ce plateau
télé, sommes entièrement constitués de matière dont l’origine est dans les
étoiles. Avant que la vie n’apparaisse, en effet, il n’y avait dans l’univers
que nuages de molécules en mouvement, constellations plus ou moins stables,
galaxies et vide intersidéral. Ce sont dans les étoiles primitives que se sont
formés peu à peu tous les éléments indispensables à la vie que nous
connaissons, carbone, hydrogène, oxygène, azote, etc. Nos jeunes et moins
jeunes cellules gardent en elles le souvenir des gigantesques hauts-fourneaux
stellaires où furent fabriqués ces éléments : nous portons donc en nous,
au sens propre, de la poussière d’étoile — et vous aurez beau frotter, laver,
aspirer, elle ne partira pas !
Nous
serions tous un peu extraterrestres sans le savoir... C’est vrai que parfois,
quand on regarde autour de soi...
_________________________
« Bien !
Après les feux de la rampe et les chutes qui s’ensuivent — comme on vient de le
voir —, passons à d’autres objets lumineux... et à quelques étoiles célèbres.
L’étoile polaire, par exemple,
facile à trouver, on la voit toute l’année, il suffit de viser plein
nord ! En fait, le plus simple est de repérer d’abord la Grande Ourse, sorte d’immense casserole
très reconnaissable. Le bord de la casserole, en face du manche, est
matérialisé par deux étoiles, Merak
et Dubne. Prenez avec vos doigts la
distance qui les sépare et reportez-là cinq fois vers le haut, sur le même
alignement : vous tombez sur Alpha
Ursae Minoris — l’étoile alpha de
la Petite Ourse —, autrement dit, la Polaire. Détail important pour les
distraits, il faut faire ça de nuit, sinon on ne voit rien, et quand le ciel
est dégagé : ni nuages ni pleine lune intempestive !
Pourquoi
parle-t-on de Petite Ourse et de Grande Ourse ?
C’est
une belle histoire qui remonte aux Grecs — et que nous allons vous raconter
après ces quelques cérémonies. Et c’est pas du gâteau, vous allez voir !
_________________________
« Or
donc, pourquoi les constellations portent-elles les noms qu’elles
portent ? Et qu’est-ce qu’une constellation,
tout d’abord ? Eh bien une constellation c’est une figure composée d’étoiles.
On doit cette invention aux Sumériens
et aux Babyloniens, lesquels
donnèrent des noms d’animaux, de héros, ou de personnages mythologiques à
certains groupes d’étoiles dans le ciel. Ensuite les Égyptiens ajoutèrent quelques figures, puis les Grecs mirent le tout à leur sauce.
Avec
les grandes explorations, les Européens découvrirent l’hémisphère sud. Ils
baptisèrent donc des constellations jusque là invisibles. La liste fut
définitivement arrêtée en 1930, par l’Union
astronomique internationale, avec un total de 88 constellations,
correspondant à 88 secteurs du ciel.
Les
deux ourses, la grande et la petite, sont en fait Callisto, une des jolies maîtresses de Zeus, et Arkas, leur
fils illégitime. Pour les soustraire à la vue d’Héra, sa femme officielle, Zeus
les transforma en ours. Plus tard, afin qu’ils échappent définitivement aux
chasseurs, Zeus les prit chacun par
la queue et les projeta dans le ciel — où ils devinrent immortels...
_________________________
« Sirius est l’étoile la plus brillante
de toutes. Elle se trouve dans la constellation du Grand Chien, un peu en dessous à gauche d’Orion. Voici d’ailleurs la liste des 20 étoiles les plus brillantes
de notre ciel — euh... la régie pourrait envoyer la musique des sphères que
nous aimons tant... voilà... merci — attention donc, voici les stars absolues
de nos nuits d’encre, retenez votre souffle, on nage en pleine poésie !
Sirius,
Alpha du Navire, Alpha du Centaure, Arcturus, Vega, Capella, Rigel, Procyon,
Achernar, Bételgeuse, Hadar, Altaïr, Acrux, Aldébaran, Spica, Antarès, Pollux,
Fomalhaut, Mimosa, Deneb...
L’éclat
d’une étoile est mesuré par sa magnitude :
plus la magnitude est élevée et moins l’étoile brille — c’est paradoxal mais
c’est comme ça ! Certaines étoiles ont même une magnitude négative !
C’est le cas de Sirius, moins 1,4.
Elle est très bleue et très reconnaissable à l’œil nu.
Allez,
on ouvre la fenêtre pour admirer le ciel, attention...
_________________________
« Bienvenue
dans la deuxième partie de « Souriez,
vous êtes filmés ! » consacrée, comme la première, aux étoiles,
aux astres et aux désastres de la vie quotidienne ! Une vraie, bonne,
grosse catastrophe, en revanche, serait que le ciel nous tombât vraiment sur la
tête ! Sous forme d’astéroïde,
par exemple !
Souvenez-vous,
le 7 janvier dernier la Terre a été frôlée par un gros caillou de 300 mètres de
diamètre. Il est passé à deux fois la distance Terre-Lune seulement ! Sa
vitesse ? 110.000 km/h ! Une paille ! La bonne nouvelle c’est
que l’astéroïde à raté sa cible — mais la mauvaise c’est que les télescopes de
surveillance ne l’ont repéré que 10 jours avant l’impact éventuel !
Brrr !
Pourtant
on les tient à l’œil, ces « géocroiseurs »
— comme on les appelle. Les plus gros, du moins. On a même posé une sonde
spatiale sur l’un d’eux !
L’histoire
d’Éros, l’astéroïde qui nous
percutera dans un million et demi d’années, si tout va bien, après ces autres
grosses boules !
_________________________
« Or
donc Éros est un astéroïde qui tourne
autour du soleil en 2 années environ. Il ressemble à une grosse pomme de terre
large de 13 km et longue de 30. Éros
a été observé pour la première fois il y a un siècle et on le surveille
attentivement depuis car s’il devait percuter notre planète ce serait tout
simplement la fin de l’humanité ! Heureusement sa trajectoire ne croise
pas celle de la Terre et tout devrait aller pour le prochain million
d’années ! Après, on verra !
En
février 2001, donc, une sonde spatiale américaine réalisa l’exploit incroyable
de se poser sur ce « géocroiseur »
— un « géocroiseur » est
un astéroïde dont la taille dépasse le kilomètre — quel beau nom !
La
sonde avait quitté la Terre 5 ans auparavant et photographié Mathilde en passant — c’est le nom
d’une autre pomme de terre, pardon ! — qui est 20 fois plus grosse qu’Éros. La sonde, après avoir franchi
plus de 3 milliards de kilomètres, tourna un an autour de sa cible, envoyant
plus de 160.000 photos sur Terre. Finalement elle se posa — exploit d’autant
plus remarquable que les ordres, venant d’ici bas, mettaient 1/4 d’heure pour
arriver...
_________________________
« Ah,
ce skieur a dû en voir 36.000, des étoiles ! — Ce qui nous ramène à notre
sujet ! Et à l’étoile du berger,
autre star de nos nuits astronomes ! Sauf que l’étoile du berger n’en est
pas une, d’étoile ! C’est une planète, et c’est l’objet le plus brillant
de notre ciel nocturne après la Lune. On applaudit... Vénus !
Vénus aussi a une magnitude négative,
moins 4,4 — elle est donc 3 fois plus brillante que Sirius, mais 3 fois moins
que la Lune, je ne sais pas si c’est clair...
Vénus n’est qu’un miroir, elle
réfléchit vers nous la lumière du soleil — à l’inverse des étoiles, qui
produisent elles-mêmes leur propre lumière. Un truc pour distinguer étoiles et
planètes, la nuit : les étoiles scintillent, les planètes pas — elles sont
fixes comme des ampoules.
Pourquoi
le nom d’étoile du berger ?
Parce que cette dernière apparaît peu avant le coucher ou le lever du soleil,
heures auxquelles les bergers rentraient ou sortaient leurs troupeaux.
Tiens,
la voilà ! ... Place aux images !
_________________________
« Ah,
plongé ainsi dans son sujet, notre jeune homme ne verra pas grand chose !
Car pour étudier les étoiles, il faut un peu de recul — et accessoirement
quelques outils qui coûtent bonbon ! Ces engins furent d’abord la lunette, utilisée notamment par Galilée, puis le télescope, inventé vers 1660 par Newton.
Le
principe de cet instrument est toujours le même : un tube et un miroir au
fond. Lequel miroir concentre et renvoie la lumière, après quelques zigzags,
vers l’œil de l’observateur — ou vers une caméra. Plus le miroir est grand,
meilleures sont les images. La course au gigantisme commença donc, avec des
miroirs taillés dans des verres de plus en plus épais. On se rendit vite compte
cependant qu’au delà de 6 mètres ces miroirs devenaient impraticables. Déformés
par leur propre poids, sensibles à la température, difficiles à usiner, à
transporter ou à pointer, il fallait trouver autre chose.
Ces
autres solutions furent l’optique active, l’optique adaptative, la mosaïque
et... la satellisation !
On
en reparle après ces numéros d’équilibre !
_________________________
« Allez,
on repart pour les étoiles et les télescopes
qui les matent !
Pour
résoudre, donc, le problème des miroirs trop lourds, on a pensé les amincir
puis corriger leur manque de rigidité par des petits moteurs à l’arrière. Ils
tirent ici, poussent là et redressent le miroir grâce à un ordinateur qui
calcule en temps réel toutes les forces de déformation. C’est l’optique active.
L’optique adaptative, elle, consiste à s’affranchir des turbulences qui se
trouvent au dessus du télescope. Ces turbulences déforment les images, comme
l’air chaud l’oasis vue au loin dans le désert. On tire donc un faisceau laser
vers le ciel, on étudie sa propagation, et hop ! on corrige les images en
conséquence !
Une
autre astuce pour voir plus loin et plus net consiste à diviser le miroir
unique en sous-miroirs. C’est le cas des deux Keck juchés à plus de 4000 mètres au sommet du volcan hawaiien de Mauna Kea. Avec 10 mètres d’ouverture
chacun, ce sont les plus puissants télescopes du monde !
On
parlera de Hubble qui flotte là-haut
après les images de Y..., de Tubize — séquence qu’elle titre elle-même :
« Sauvez Willy » !
Vous allez comprendre !
_________________________
« Allez,
bravo Y... ! Mais revenons à
nos moutons, ou plutôt à Hubble, le
télescope qui régla une fois pour toutes les problèmes de pollution lumineuse
et de turbulence atmosphérique : il n’est plus sur Terre ! Il tourne
là-haut, dans le ciel, à 600 kilomètres de nous, peinard ! On le commande
à partir du sol où il envoie ses images. Pourtant ses débuts, en 1990, furent
catastrophiques ! Son miroir de 2 mètres 40 avait été poli deux microns
trop profond ! Il se révéla complètement myope !
La Nasa dut envoyer une deuxième navette,
rien que pour la réparation : on lui colla des lentilles correctrices — un
genre de verres de contact — et tout rentra dans l’ordre. Bonjour l’addition quand
même !
Hubble n’est pas le télescope le plus
puissant qui soit — les Keck le
battent dans ce domaine — mais c’est celui dont les images sont les plus nettes
et les plus belles. Il a filmé en direct le choc entre la comète Shoemaker-Levy et Jupiter, par exemple, quel feu d’artifice, vous vous
souvenez ?
Et
les trous noirs, me direz-vous —
qu’est-ce que c’est ?
Après
ces glissades !
_________________________
« Oui,
l’alcool produit ce genre de chutes et de trous noirs, on ne se souvient plus de
rien... Mais les vrais trous noirs,
eux, que sont-ils ?
Eh
bien ce sont d’anciennes étoiles, six fois plus lourdes que notre soleil au
moins, ayant commencé comme géantes
bleues, puis évolué en super-géantes
rouges et fini en super-novæ —
ces dernières explosant en fin de vie. Le cœur hyper-massif de quelques-uns de
ces monstres de l’espace se transforme alors en étoile à neutron puis en trou
noir. Le trou noir est une boule
de matière tellement concentrée, tellement lourde que plus rien ne peut s’en échapper
— pas même la lumière — une sorte de puits sans fond !
Ces
aspirateurs cosmiques engloutissent tout — même le temps et l’espace ! On
ne les a jamais vus, sauf dans les films de science-fiction où ils sont
représentés par d’immenses tourbillons !
Aussi
incroyable que cela puisse paraître, on essaye de fabriquer de tels mini-trous noirs ici, sur Terre, dans
des labos américains et européens. Gaffe aux erreurs de manip’, sinon...
Aaaaaah !
_________________________
« Voilà,
c’est avec ces dernières bêtises que nous allons devoir nous quitter. J’aurais
aimé, comme toujours, en raconter un peu plus — sur Orion, par exemple, ou sur Cassiopée,
ces deux constellations très reconnaissables dans le ciel, la première en forme
de nœud de cravate et la seconde en
forme de W.
D’autres
monstres peuplent encore la voûte céleste, comme Antarès, énorme étoile 700 fois plus grosse que notre soleil et
9000 fois plus lumineuse — son nom signifie « Anti-Mars » car sa couleur rouge rivalisait, pour les Grecs,
avec celle de Mars, dieu de la
guerre.
Pas
le temps non plus de vous parler des dernières découvertes dans la
constellation du Cygne — un trou
noir dont la périphérie émet d’énormes rafales de rayons X, ni des naines
blanches, ni des pulsars, ni des quasars, ni des étoiles
filantes — de simples galets qui brûlent dans l’atmosphère...
Juste
un mot encore pour féliciter Y...
« Willy » et vous encourager à nous envoyer, comme elle, vos images
les plus drôles — l’adresse scintille en ce moment !
À
bientôt !