Faire chambre à part ? Ouiii !

Une enquête de Noëlle Clou pour Gael

[Publication : août 2009, p.62]

 

 

Virginia Woolf, dès 1929, réclamait dans son essai « A Room of One’s Own » une chambre à part pour les femmes, afin qu’elles puissent écrire, réfléchir et vaquer à leurs petites affaires. Et vous ? Pratiquez-vous la chambre séparée ? En rêvez-vous ? Noëlle Clou a enquêté.

 

 

Mon mari s’est mis à ronfler quelques jours après avoir décroché son diplôme de pilote professionnel. Il s’identifiait à son moteur d’avion je suppose. Résultat des courses, vol plané dans le canapé du salon ! Où je me parachute impromptu quand j’ai une petite envie !

[Adjanie, 29 ans, hôtesse de l’air]

 

On n’a rien en commun : il tire les couvertures de son côté et j’ai toujours les pieds gelés ; il se couche tard et moi je me lève tôt ; il grince des dents comme une meule et je rêve de boules Quies... Après de longues discussions nous avons décidé de faire chambre à part : moi je garde celle-ci et lui récupère sa chambre d’étudiant (chez sa mère en Toscane). Trop bien !

[Benedetta, 30 ans, kiné]

 

En hiver il tousse, au printemps il me harcèle, en été il bouge tout le temps, en automne il parle dans son sommeil – et toute l’année il pianote sur son ordi. Moi les touches qui font clic clic jusqu’à pas d’heure dans mon oreille je ne supporte pas : on vit désormais comme au temps jadis, chacun dans une aile du château. On se voit au petit-déjeuner ou au dîner, et on sort nos agendas pour se faire des câlins – un coup chez lui, un coup chez moi, et quand on est fous dans la douche. Ça n’a pas été facile à mettre au point, cette formule, car on vit dans un trois-pièces de 65 m², mais bon, ça fonctionne !

[Charleyne, 32 ans, greffière]

 

Dormir dans des chambres séparées ?! Mais quelle horreur ! Ça voudrait dire qu’on ne s’aime plus, qu’on ne supporte plus l’autre – sa présence rassurante, l’odeur de sa peau, les frôlements, la chaleur animale... C’est le début de la fin si on ne dort plus ensemble, un vrai passeport pour le divorce. (Tiens, ça me donne des idées...)

[Daniela, 38 ans, juriste]

 

Faire chambre à part ? J’en rêve, je sors de prison !

[Edith, 42 ans, serrurière]

 

Chacun sa chambre c’est beaucoup mieux ! Sinon comment je fais pour recevoir mes hommes si mon mari est déjà dans le lit ?! C’est un peu mon métier, les bijoux de ces messieurs – je joins l’utile à l’agréable !

[Francette, 39 ans, andrologue]

 

Jamais nous ne ferions chambre à part, mon conjoint et moi : d’abord il faudrait en avoir les moyens, et ensuite nous ne rêvons que de ça – passer toute une nuit ensemble ! Car ça n’arrive presque jamais – une fois par semaine, maximum – je travaille la journée et lui de dix heures du soir à six heures du matin ! Oui, on dort dans le même lit, mais jamais en même temps !

[Ginny, 42 ans, institutrice]

 

Avec l’âge Pépé se lève toutes les nuits, rapport à sa prostate – c’est le sommeil « Napoléon » en tranche : deux heures debout, deux heures couché, deux heures debout, etc. Je ne supportais plus, j’ai attendu que la chambre de notre fils aîné se libère et je lui ai indiqué sa nouvelle affectation. Mon mari a très bien pris cette séparation, il n’a pleuré que pendant un an. Mais avec deux portes fermées on n’entend rien.

[Héloïse, 51 ans, pharmacienne]

 

Notre chambre conjugale, très grande au début, est devenue au fil des ans une sorte de pièce à tout faire ; on y mangeait, travaillait, regardait la télévision, jouait avec le chien ou la Wii... Quand on était deux, ça allait encore (quoique... un grand gaillard de 45 ans qui joue à la Wii le dimanche à moitié nu, la clope au bec, des cendres sur les charentaises, et qui beugle comme un supporter du Standard, ça vous tue les amours les plus chevillées). Nos enfants ont pris peu à peu goût à ce souk, puis les copains de nos enfants ont débarqué, puis les voisins... Le bazar a viré au caravansérail – et j’ai décidé de faire chambre à part. Avec un autre, plus jeune, plus riche, plus beau... et avec une chambre minuscule, olé !

[Ivana, 42 ans, agent immobilier]

 

À la question : « Quel est le bruit que vous préférez ? », le dessinateur Wolinski répond toujours : « Celui des pas de ma femme lorsqu’elle vient me rejoindre dans ma chambre ! » Car Georges et Maryse Wolinski dorment à chaque bout du long couloir qui divise leur appartement. Moi je ne suis pas sûr que des chambres séparées boostent la libido. Il n’y a pas de parquet chez nous, je n’entends jamais rien quand mon amoureux vient me rejoindre. À chaque fois il sort le défibrillateur cardiaque tellement j’ai peur !

[Jamila, 37 ans, linguiste] 

 

Faire chambre à part c’est devenir des colocataires ! Déjà que je suis seule à payer le loyer, faut pas pousser !

[Kelly, 34 ans, formatrice]

 

On avait un lit immense, puis Robert a souhaité deux lits séparés, côte à côte ; ensuite il a déplacé les lits contre des murs différents, mais toujours dans la chambre ; et puis Robert a descendu son lit au rez-de-chaussée pendant quelque temps. Il a finalement expliqué que son lit serait mieux dans sa nouvelle maison. C’était en 1999, j’ai toujours un oreiller à lui, une taie, deux draps et trois ressorts. Je me demande s’il m’aime encore.

[Laurence, 58 ans, naïve]

 

------------

 

Connaissez-vous l’association de groupements de réunions d’ensembles de communautés d’unions de rassemblements d’agglomérations de sociétés d’alliances d’attroupements des personnes qui aiment vivre seules?

[Philippe Geluck]

 

Le problème avec les réunions d’anciens, c’est que nos vieilles flammes sont encore plus vieilles.

[Doug Larson]

 

------------

__________

 

Revenir à la page d’accueil, .