Envie d’être un homme ?
Une enquête de Noëlle Clou pour Gael
[Publication : mars 2009, p.122]
Beyoncé l’a chanté dans un clip récent, « If I Were A Boy », et la journaliste Norah
Vincent s’y est essayée pendant 18 mois (« Dans la peau d’un homme »,
chez Plon). Marie-Anne Chazel franchit le pas le 6
mars à Lyon, dans « Goodbye Charlie », au
théâtre. Ça vous dirait de faire comme elles, de basculer du féminin au
masculin l’espace de quelques heures ou de quelques jours ? Témoignages.
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L’idée de nager dans la testostérone au
printemps, quand la nature se réveille, avec une grosse pomme d’Adam qui joue
du yoyo, ça me plairait assez ! L’idée de ne pas avoir à m’épiler à la cire
encore plus ! Allez, je prends la moustache de sapeur, les rouflaquettes
vintage, le gros ceinturon et je vais voir mes potes au bistrot. De quoi on
parle, entre hommes ? J’ouvre grand les oreilles, je descends ma voix d’une
octave et je reviens vous raconter !
[Adriane, 22
ans, étudiante en psycho]
Mmmmh, quelle belle idée ! Je me réveillerais en boxer
moulant, le t-shirt coton gris pâle collé aux abdos ; j’aurais la tête dans le
gaz, me passerais la main sur la joue et, surprise, découvrirais que c’est du
papier de verre numéro 600 ! Gratouillis machinal de la cuisse et... deuxième
surprise : il y a plein de monde dans la balançoire, chaud devant ! D’ailleurs
ça pousse et je dois faire pipi ! Oh, comme c’est pratique de rester debout !
Et pour la dernière gougoutte, on secoue le Jésus sans façon ! Bon, je me lave
les mains et hop, re-plongeon au lit pour câliner ma
copine (c’est à dire moi, ça me trouble vraiment, cette question !)
[Betty, 25 ans, commerciale]
Dans la peau d’un homme, mille fois oui,
ne fut-ce que pour ne pas traîner dans la salle de bains ! On me dit toujours
que je la bloque pendant des heures, là ce serait fini : petite douche vite
fait, brosse à dent, pas de maquillage – quel pied ! Le côté obscur de la force
c’est le rasage : faut pas se couper avec le Gillette qui est drôlement nerveux
– et m.... c’est raté ! (Ça y est, je jure déjà comme Cromagnon,
c’est bon signe, la greffe a pris !)
[Carole-Anne, 27 ans, télévendeuse]
Dans la peau d’un homme ? Mais c’est ce
que je fais tous les jours !
[Héloïse, restauratrice, 42 ans]
Non, impossible de me faire en quelques
jours une culture football, pizza, bière, bagnoles, snooker
et grosses blagues de vestiaire sur les blondes : on me démasquerait trop vite,
la honte ! Et puis je suis musclée comme un spaghetti !
[Daniela, 28 ans, décoratrice]
Fini : les ragnagnas, les bouffées de
chaleur, les migraines pour un rien, le 41 fillette
que je cache toujours sous la table, les angoisses pour s’habiller, le sac à main
où tout disparaît comme dans un trou noir. En revanche, bonjour le regard
planté dans celui des autres, le menton droit, les mains dans les poches, la
ville où je peux me promener seule désormais, partout, en sifflotant... Puis
les écroulements du soir, dans le Chesterfield trois places du salon, en
envoyant promener mes chaussures : « ’tain, quelle journée, j’suis mort !
»
[Elija, 32 ans,
juriste]
Oh oui, dans la peau d’un garçon – et ne
plus jamais entendre des trucs genre : « Tu viens faire les boutiques avec nous
? Tu auras des enfants plus tard ? Tu dépenses combien en parfum ? Tu devrais
faire du sport, non ? Tu sais ce que c’est, la féminité ? Touche pas, c’est
trop lourd pour toi ! Tu as déjà essayé des talons ? Tu te plains encore ? »
[Fatou, 19 ans,
stagiaire en librairie]
Volontiers — mais dans la peau de mon mari
alors, pour savoir ce qu’il fait durant toutes ses journées !
[Géraldine, 38 ans, cardiologue]
Moi je draguerais sans compter, ce que je
n’ai jamais fait en tant que femme. Et puis je ferais l’amour plein de fois en
retenant chaque détail pour pouvoir satisfaire mon homme à la perfection quand
je serais redevenue moi !
[Ileana, 28 ans, choriste]
Trop bon, d’être un mec : la taille des
valises, le prix des sous-vêtements, la durée des conversations téléphoniques,
le temps chez le coiffeur divisé par dix, les couleurs désaccordées... Et puis
pouvoir dire tout ce qu’on pense sans pincettes, se baisser tranquillement sans
penser que tout le monde mate, s’asseoir les jambes ouvertes sans passer pour
une chaudasse... Il y a aussi la petite probabilité
de devenir pape !
[Jade, 32 ans, journaliste]
Garçon manqué toute ma vie, le rêve, je
signe où ? Car j’ai eu longtemps un problème d’identité — pas d’être lesbienne
mais plutôt androgyne : épaules, taille, pommettes, tenues, activités,
attitudes, vocabulaire... Cette vie-là, autour de mes vingt ans, était trop
bonne, j’aimerais que ça revienne, j'adore la compagnie des hommes... entre
hommes!
[Kate, 38 ans, historienne]
Ah moi oui, moi aussi j’aimerais changer
de sexe — pour comprendre ce qui rend les mecs si cons, ça m’intrigue !
[Laurine, 23 ans, esthéticienne]
On ne naît pas homme, on le devient !
[Simon de Beauvoir, styliste]
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