Quelle folle vous habite ?

Une enquête de Noëlle Clou pour Gael

[Publication : septembre 2010, p.166]

 

 

Noëlle Clou s’est penchée sur les grosses fêlures de quelques copines... dont les troubles sont le sel de leur personnalité, bien sûr – mais copines qu’il faut tout de même tenir à l’œil, on ne sait jamais ! Comme l’écrivent Clément Rosset et Didier Raymond dans La Folie sans peine qui vient de paraître aux PUF (et dont ce test s’inspire directement), « le fou ne veut pas guérir, mais transmettre sa folie aux autres ». Traquez donc, vous aussi, votre part de confusion, et... vivez avec !

 

Voici une petite fiction pour prolonger les vacances ; nos sujets veulent en effet s’envoler pour un petit city-trip madrilène. Il y a là une hystérique, une paranoïaque, une obsessionnelle, une maniaco-dépressive, une érotomaniaque, une phobique, une mélancolique, une narcissique et une perverse. Choisissez le comportement qui vous correspond le plus et souriez-en !

 

[A] Les questions de l’employé à l’enregistrement :

 

       Puis-je avoir votre passeport ?

 Vous voyagez ensemble ?

      Combien de valises avez-vous ?

  Voici votre boarding-pass, présentez-vous porte C6 à 8 heures 10.

 

[A] Les réponses selon la névrose :

 

Hystérique :

       Mon passeport ?! Qui êtes-vous ?

 Mais je voyage avec qui je veux !

      J’ai droit à deux valises !

  Se présenter à la porte : on dirait que je suis renvoyée !

 

Paranoïaque :

       Montrez-moi le vôtre !

 Je ne connais personne – on me surveille ?

     Vous essayez de m’embrouiller, je n’ai que ça !

 Comme par hasard j’ai la plus mauvaise place dans l’avion !

 

Obsessionnelle :

       C’est le dernier modèle électronique, tout est là !

 Nous voyageons ensemble, oui, à deux, nous formons un couple, une paire, un duo !

     Une valise de 19 kilos chacun, ça fait 38 kilos, c’est en-dessous de la recommandation 317bis !

 Vous êtes sûr que ce n’est pas plutôt la porte C10 à 8 heures 6 – vérifiez !

 

Maniaco-dépressive :

       Mon passeport, oui, voici également ma carte d’identité et mon permis de conduire, c’est merveilleux !

 Voyager ensemble, toujours et à jamais !

     Une valise et une valise font – devinez quoi ? – deux valises !

 Boarding-pass, carte d’embarquement, bravo, quelle efficacité !

 

Érotomaniaque :

       Je vous ai tapé dans l’œil, on dirait !

 Voyager avec vous, pourquoi pas ?

     D’accord, vous porterez mes valises.

 Porte Machin ? Guidez-moi, je suis votre chose !

 

Phobique :

       Vos mains sont-elles propres ?

 Isolez-moi au fond, je ne veux pas de voisin.

     Ces valises sont un poison ; hors de ma vue !

 C10, la porte dérobée, j’espère...

 

Mélancolique :

       Il ne me reste rien.

 Je suis toujours seule, vous savez.

     Je n’ai plus de bagages depuis longtemps.

 Porte C10, C11, C12 820, ça n’a pas d’importance...

 

Narcissique :

       La photo du passeport est assez réussie !

 Je voyage avec moi – et je ne m’ennuie jamais !

     Les valises sont comme moi, en pleine forme !

 On m’y attend déjà, à la C10, j’en suis sûre !

 

Perverse :

       Venez le chercher, le passeport.

 Faut-il voyager ?

     Comment définit-on une valise ?

 Le numéro de porte a été modifié.

 

[B] Le steward propose un repas à bord de l’avion :

 

   Thé ou café ?

   Poulet ou sushis ?

 Vous voulez encore du pain ?

    Je vous débarrasse ?

 

[B] Les réponses selon la névrose :

 

Hystérique :

   Comme si on avait le choix !

   Moi aussi j’ai des soucis !

 Des menaces, maintenant ?!

    Oui, videz le plancher.

 

Paranoïaque :

   Ah, j’existe, contente de l’apprendre !

   Un peu de tout, puisque je suis forcée.

 C’est moi qui décide, me semble-t-il.

    Par où ?

 

Obsessionnelle : 

   Faut-il choisir ?

   Je n’ai pas d’idée.

 Toutes les brioches sont-elles pareilles ?

    Vous avez un bon aspirateur de table ?

 

Maniaco-dépressive :

   Plein.

   À volonté.

 On étouffe, j’en ai marre.

    Disparaissez.

 

Érotomaniaque :

   Je vous reconnais, vous m’avez souri à l’enregistrement !

   Vous !

 Encore vous !

    Vous aimeriez frotter les miettes sur moi, avouez !

 

Phobique :

   Les gobelets ont-ils été stérilisés ?

   D’où viennent les repas ?

 Pas celui des autres.

    Incinérez les déchets.

 

Mélancolique :

   Un linceul.

   Je ne mange plus.

 Un pistolet, qu’on en finisse.

    Débarrassez-vous de moi.

 

Narcissique :

   J’ai une peau de pêche !

   Tout me va, ne trouvez-vous pas ?

 Apportez-moi plutôt une glace.

    Comme il me plaira !

 

Perverse :

   Vous devriez le savoir.

   Oui et non.

 C’est votre problème.

    Qu’est-ce qui ne va pas ?

 

[C] Chez le loueur de voiture :

 

 Quel type de voiture voulez-vous ?

       Votre permis de conduire, s’il vous plaît !

       Vous prenez l’assurance complémentaire ?

      Voici les clefs, bonne route.

 

[C] Les réponses selon la névrose :

Hystérique :

 Ce qui roule est ma passion.

       Tout est permis.

       Je ne regarde jamais à la dépense.

      Quelle équipée extraordinaire !

 

Paranoïaque :

 Ça ne vous regarde pas, je pense.

       Ne le photocopiez pas, je vous prie.

       Vous êtes une manière de voleur.

      Vous n’en pensez pas un mot.

 

Obsessionnelle :

 Toutes vos voitures sont-elles sûres ?

       Voici – permis B, numéro D811184, délivré à Namur le 28 octobre 1987, 2e duplicata, validité illimitée.

       Qu’est-ce je risque exactement ?

      Ce ne serait pas l’autre trousseau de clefs ?

 

Maniaco-dépressive :

 Du moment que ça roule.

       J’en ai trois, dont un pour rouler à gauche.

       Ça devient long, accélérez.

      Je vais prendre le métro.

 

Érotomaniaque :

 Celle que le steward préfère !

       Demandez au steward.

       Que peut-il nous arriver ?

      Le steward conduit ma vie désormais.

 

Phobique :

 Une voiture sans acariens.

       Je n’ai tué personne.

       Vous gagnez trop d’argent.

      Ne me touchez pas.

 

Mélancolique :

 Un cercueil roulant.

       Servez-vous, tout est là.

       Je n’existe pas.

      Je m’éclipse.

 

Narcissique :

 Quelque chose qui me mette en valeur !

       Je souris sur la photo, c’est sympa !

       Il ne peut rien m’arriver.

      Tout le plaisir est pour moi.

 

Perverse :

 Pourquoi faites-vous ce métier ?

       Vous savez qui je suis ?

       Ces pratiques sont illégales.

      Vous avez de bonnes routes ?

 

 

[D] À la réception de l’hôtel :

 

 Avez-vous réservé une chambre ?

  Quelle sera la durée du séjour ?

 Vous avez une préférence pour le lit ?

  Voulez-vous de l’aide pour les bagages ?

 

[D] Les réponses selon la névrose :

 

Hystérique :

 Vous vous moquez de moi ?

  Ce qu’il faudra.

 Vous me faites des avances ?

  Quel établissement somptueux !

 

Paranoïaque :

 Je parie que l’ordinateur m’a effacé.

  Vous m’espionnez ?

 J’ai droit au moins au queen size.

  À condition que je puisse les accompagner.

 

Obsessionnelle :

 Je veux la même chambre que la dernière fois.

  Vous le saurez plus tard.

 Deux mètres 17 sur deux mètres 35.

  Je n’ai rien demandé.

 

Maniaco-dépressive :

 Où suis-je ?

  Sommes-nous déjà en juillet ?

 Je veux faire du trampoline !

  Envoyez la troupe !

 

Érotomaniaque :

 Le steward a réservé une suite.

  Toute la vie !

 Vous me faites rougir !

  Le steward s’en occupe.

 

Phobique :

 Une chambre forte.

  Je ne vais pas m’incruster.

 Changez les draps.

  Ne touchez à rien.

 

Mélancolique :

 C’est de ma faute.

  J’aurais dû prévenir.

 Un lit pour mourir.

  Je n’ai plus de bras.

 

Narcissique :

 Une chambre bien en vue.

  Je m’interroge.

 Mon lit c’est ma vie !

  Notre dos apprécie !

 

Perverse :

 Qu’est-ce qui ne va pas ?

  Je n’y ai pas pensé.

 Qui dort bien, de nos jours ?

  J’ai des bagages, moi ?

 

[E] Au musée d’art moderne :

 

   Quelle exposition voulez-vous voir ?

  Avez-vous droit à une réduction ?

    Souhaitez-vous être informée de nos activités ?

 Voici votre ticket, bonne visite.

 

[E] Les réponses selon la névrose :

Hystérique : 

   La plus belle, j’aime tout !

  Un billet entier, j’ai les moyens.

    Vous me saoulez, ça suffit.

 Une visite sans vous, c’est déjà bien.

 

Paranoïaque :

   Ne me regardez pas comme ça !

  Dites-le, je suis trop vieille !

    Être fichée ici, non merci !

 Vous êtes une jeune insolente.

 

Obsessionnelle :

   Je ne voudrais pas choisir.

  J’ai oublié.

    Remettons cet entretien à demain.

 Où sont les taxis ?

 

Maniaco-dépressive :

   Je suis crevée !

  Oui, je vous l’offre !

    Donnez tout et débloquez ce tourniquet.

 Laissez-moi en paix.

 

Érotomaniaque :

   Où est ce maudit steward ?

  Vous faites des prix pour deux ?

    Faites suivre au steward en uniforme qui va arriver.

 S’il n’arrive pas, je le tue.

 

Phobique :

   L’expo où il y a le moins de monde.

  Oui – enfin, non.

    Vous êtes enrhumée ?

 Je crois que j’ai commis une erreur.

 

Mélancolique :

   Je veux me noyer dans la foule.

  Ne perdez pas votre temps avec moi.

    C’est ma dernière expo.

 Tout ceci ne mène à rien.

 

Narcissique :

   La statuaire grecque – j’y ai ma place !

  La réduction pour bonne mine, ça existe ?

    Oui – et soulignez bien mon nom !

 Je me vois dans les reflets des vitrines !

 

Perverse :

   Ces expos tombent au bon moment, vous ne trouvez pas ?

  Qui paie les réductions ?

    « Vos activités », on se demande...

 Moi, on ne me visite pas.

 

[F] Chez Prada :

 

  Puis-je vous aider ?

   Quelle taille faites-vous ?

    Vous désirez un emballage-cadeau ?

 Nous n’acceptons plus les chèques.

 

[F] Les réponses selon la névrose :

Hystérique :

  J’ai le droit de me promener dans le magasin sans acheter.

   Ma taille est spéciale.

    Ça fait trois fois que je le demande.

 Et les courriers de mon avocat ?

 

Paranoïaque :

  Aidez-vous vous-même !

   Une remarque, et je sors !

    Vous avez dit que je ne suis pas un cadeau ?!

 Vous croyez que mon compte est bloqué ?

 

Obsessionnelle :

  Je ne sais pas si je vais rester.

   Je ne retiens même pas mon téléphone...

    Vous le faites proprement ?

 Les cartes de crédit, c’est trop dangereux.

 

Maniaco-dépressive :

  Qui m’a poussée dans ce magasin ?

   Jamais la bonne.

    Étonnez-nous !

 Voici mon portefeuille, servez-vous.

 

Érotomaniaque :

  C’est une proposition ?

   Je vous laisse toucher, allez-y.

    C’est presque du harcèlement, vous savez !

 Mettez ça sur le compte de l’infâme steward.

 

Phobique :

  Je n’ai touché à rien !

   Vous avez peur de la vérité ?

    Je n’aurais peut-être pas dû acheter tout ça.

 Évidemment – où est la sortie ?

 

Mélancolique :

  Personne ne peut m’aider.

   Je ne veux pas le savoir.

    Je ne vaux rien.

 Moi non plus.

 

Narcissique :

  Vous m’attendiez, n’est-ce pas ?

   Je fais le bonheur des couturiers !

    Le cadeau, c’est moi !

 Qu’importe le flacon, je suis heureux !

 

Perverse :

  Et qui surveille les surveillants ?

   L’habit fait-il le moine ?

    Oui, ça va de soi.

 Le liquide ne laisse pas de traces, c’est ça ?

 

[G] Le téléphone portable sonne ; réactions :

 

 Hystérique : Encore des ennuis – Allô ?!

 Paranoïaque : On me traque – je ne réponds pas.

 Obsessionnelle : Ce n’est pas ma sonnerie.

 Maniaco-dépressive : Ah, les affaires reprennent ! Allô !

 Érotomaniaque : C’est sûrement le steward qui demande pardon !

 Phobique : Mon Dieu, une alarme !

 Mélancolique : Je ne suis plus là.

 Narcissique : Je leur manque déjà : allô !

 Perverse : Allô – vous faites erreur.

 

[H] Le départ de l’hôtel :

 

   Voici la note.

 Je débite votre carte de crédit ?

   Votre séjour s’est-il bien passé ?

  Nous espérons vous revoir bientôt.

 

[H] Les réponses selon la névrose :

 

Hystérique :

   Ce n’est pas possible, c’est monstrueux.

 Allez me chercher votre supérieur.

   Mais bien sûr, ça se voit, non ?

  Dans tes rêves.

 

Paranoïaque :

   Vous me mettez dehors, donc.

 Non, je connais vos méthodes.

   Restez poli, voulez-vous.

  Ne supra crepidam, sutor !

 

Obsessionnelle :

   Elle n’est pas assez détaillée.

 Je paie en pièces de monnaie, jusqu’au dernier centime.

   Il faudrait revernir la trente-deuxième marche.

  Je n’irais pas jusque là.

 

Maniaco-dépressive :

   En route pour de nouvelles aventures !

 Débitez, créditez, mais en vitesse, je pars !

   Que les morts lâchent les vivants.

  J’ai un coup de pompe, je m’allonge.

 

Érotomaniaque :

   C’est long comme une déclaration d’amour !

 Demandez la Gold du steward.

   Lugubre.

  En tête-à-tête ?

 

Phobique :

   C’est un peu abrupt, laissez-moi réfléchir.

 Pas trop vite.

   Je ne dénoncerai personne.

  Ne me bousculez pas.

 

Mélancolique :

   J’ai toujours eu de mauvaises notes.

 Un chien a plus de crédit que moi.

   Mon séjour sur terre s’achève bientôt.

  Ma vie est un château hanté.

 

Narcissique :

   Une note à la mesure de ma prestation !

 C’est vous qui devriez me payer !

   Les miroirs sont impeccables !

  Prévenez les photographes, je reviens cet hiver !

 

Perverse :

   Est-ce vraiment la mienne ?

 Si vous y arrivez.

   Vous serez prévenu par la maison-mère.

  De quoi demain sera-t-il fait ?

 

 

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(c) Noëlle Clou

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