« Tout ce que je n’ai jamais osé dire

à ma mère »

— une enquête de Noëlle Clou pour Gael

[Publiée en mai 2004 p.140]

 

 

1. J’ai un frère plus âgé que moi, nous avons six ans de différence, et je regrette que ma mère ait refusé de tomber enceinte une troisième fois. Mon frère Axel a toujours été plus ou moins le chouchou, et comme nous habitions à la campagne, je n’avais pas vraiment de personne de mon âge avec qui jouer à la maison. Ouvrier dans le bâtiment, mon père a tout fait pour qu’Axel devienne contremaître ou directeur de chantier. Comme mes parents ne me voyaient pas trop avec un casque jaune sur la tête et des godillots, ils ne se sont pas occupés de mes études ni de mes résultats scolaires. Si j’avais eu une sœur ou un frère plus jeune, je suis sûre que j’aurais été plus heureuse. J’ai quand même réussi à m’en sortir vaille que vaille, mais je n’ai pas eu d’enfance heureuse.

[Patricia, 28 ans, comptable]

 

2. Tu dépenses trop, Maman, tu pourrais penser un peu plus à l’avenir, à la pension ridicule qui t’attend... et à moi – qui ne vais hériter que d’un paquet de dettes, si ça continue ! Franchement, pour qui sont les six nouvelles chaises design que tu viens d’acheter à Paris ?! Vous n’êtes plus que deux à la maison, vous ne recevez jamais personne puisque tu préfères « t’éclater » au restaurant avec ton nouveau compagnon ! Il me fatigue celui-là d’ailleurs : quand est-ce qu’il compte retrouver du travail ?

[Jenny, 38 ans, aide-pharmacienne]

 

3. Est-ce qu’on pleure encore, à trente ans, pour des poupées qu’on n’a jamais eues ? Moi oui, comme aujourd’hui... Je me souviens, chère Maman, que tu ne m’en as jamais offerte une seule, comment est-ce possible ? Un jour, une dame a voulu me donner une poupée de sa fille, devant la cordonnerie du quartier. Elle a reproché à ma mère de ne jamais rien m’offrir. Ma mère m’a obligée à rendre cette poupée, elle a prétendu qu’elle était sale, et s’est brouillée définitivement avec la dame ! Plus tard j’ai reçu une poupée d’une employée de mon père et ma mère m’a interdit de jouer avec parce qu’elle la trouvait moche ! Elle a dit qu’elle allait me la reprendre, alors, de rage, j’ai préféré lui casser un bras – et comme le bras était cassé, ma mère a jeté la poupée devant moi au vide-ordure !

[Nicoletta, 33 ans, secrétaire]

 

4. J’ai toujours détesté quand ma mère faisait à manger la même chose plusieurs jours de suite. Mes amies avaient fini par l’apprendre et me demandaient tous les matins à l’école ce que j’avais eu la veille... Qu’est-ce que j’en ai inventés des plats ! Maman, reconnais que tu n’es pas une cuisinière extraordinaire (et je suis encore sympa !)

[Corinne, 24 ans, coiffeuse]

 

5. Je ne voulais pas montrer à ma mère que j’avais peur, le soir, quand elle partait travailler – elle était infirmière de nuit, nous habitions un petit appartement au rez-de-chaussée avec une cuisine donnant sur le jardin. En hiver les arbres projetaient leurs ombres décharnées sur les rideaux de ma chambre et j’étais terrifiée, y voyant des visages grimaçants ou malades, qui criaient au secours et me suppliaient d’ouvrir la fenêtre. Pourquoi n’ai-je jamais rien dit ? Peut-être parce qu’elle répétait toujours qu’il « fallait être forte dans la vie ». Ma chambre ne donne plus sur aucun jardin et je ne suis pas forte pour un sou : je fais pourtant le même métier qu’elle ou presque...

[Janine, 40 ans, infirmière de jour]

 

6. Ma mère m’a mis une pression insupportable sur les épaules pendant toute ma jeunesse. Elle m’idéalisait et parlait toujours de moi comme d’un futur prix Nobel. En public elle me tressait des couronnes de laurier mais en privé elle me houspillait, cravachait, tannait sans arrêt pour que j’étudie. Je devais prendre en plus des cours d’espagnol, chanter, faire de la danse, de l’informatique, du dessin, de la natation... Je crois que je n’ai jamais vraiment eu un seul week-end pour moi jusqu’à mes dix-huit ans... J’ai essayé de le lui dire mais elle me répétait toujours que « c’était pour mon bien » et que je la « remercierais plus tard ». Eh bien non ! Tu m’as volé mon enfance, Maman !

[Katyanne, 26 ans, enseignante]

 

7. Je n’ai jamais osé dire à ma mère que j’étais toujours d’accord avec mon père quand ils se disputaient. Et Dieu sait s’ils se sont disputés quand j’étais petite ! Ma grand-mère, à qui j’ai raconté leur première bagarre, m’a dit de ne jamais prendre parti et de laisser toujours « les grands jouer dans leur bac à sable ». Je me suis tue. Ma mère me prenait à témoin systématiquement quand elle s’engueulait avec mon père – mais elle exagérait toujours ses défauts, ses retards ou son désordre... Je ne disais rien et je prenais mon air « je n’ai rien vu, rien entendu » – ça l’énervait souvent. Quand le bac à sable a pris toute la place et qu’il s’est transformé en champ de bataille permanent, je suis partie de la maison et j’ai commencé à travailler. J’avais 16 ans.

[Claire, 28 ans, modiste]

 

8. Ma mère est affreusement superstitieuse, je crois que c’est parce qu’elle est d’origine polonaise. La religion catholique et la superstition l’ont toujours obsédée. Dès ma naissance j’ai dû porter, comme mes frères et sœurs avant moi, des petites chaînes porte-bonheur, des bracelets « saints », des colliers « protecteurs » et autres amulettes « bienfaitrices ». Je me souviens d’un minuscule étui en verre qui contenait de la « poussière du Christ ». Elle récupérait cette poussière au fond de la coupe qui contenait les hosties, dans la sacristie de l’église où nous allions tous les dimanches. Je ne crois même pas que le prêtre était au courant, bien qu’elle préparât pour lui tous les accessoires nécessaires avant la messe. Quelle honte, ces colifichets ! Dès que j’arrivais à l’école je les enlevais pour les cacher au fond de mon cartable. Sur le chemin du retour je me re-déguisais en première communiante, avec images pieuses par-ci, chapelet par-là et la fameuse poussière du Christ en sautoir...

[Eva, 30 ans, hôtesse d’accueil]

 

9. Mon mari trouve que je suis trop froide, que je ne le touche jamais, que je suis un peu psycho-rigide – et que c’est pareil avec nos enfants. C’est vrai, mais je n’y peux rien, je suis coincée de côté-là, ça vient de l’éducation que j’ai eue, assez stricte, on ne s’embrassait pas comme aujourd’hui à tout bout de champ, on vouvoyait les parents comme dans la Comtesse de Ségur – et je trouvais ça normal. Montrer ses émotions dénotait de la faiblesse et l’on ne se prenait le bras qu’en hiver, pour éviter de tomber sur le verglas. Ma grand-mère était déjà comme ça, paraît-il, mais ce n’est pas une raison : ma mère aurait dû rompre cette tradition de froideur. Moi j’ai été la première à essayer, mais ce n’est pas encore ça, à croire mon mari.

[Marie-Ange, 34 ans, galeriste]

 

10. Quand mon père me battait, ma mère restait passive et n’intervenait pas. Pourquoi ? Tout était prétexte à coups chez lui, ma façon de manger, de parler ou de m’habiller – et même quand je ne faisais rien il trouvait encore à redire : la chambre pas assez rangée, une tache sur ma blouse, un objet qu’il ne trouvait plus. Je commençais à pleurer avant même qu’il ne me cogne et ça l’énervait encore plus. Il rentrait crevé du boulot, partait dans son potager, fumait jusqu’à l’heure du dîner. Mais dès qu’il me trouvait dans la maison ça recommençait. Ma mère a toujours regardé ça de loin, sans esquisser un geste, sans retenir la main qui giflait ou le pied qui frappait : pourquoi ?

[Josée, 36 ans, relations publiques]

 

11. Je n’ai jamais osé dire à ma mère que mon père la trompait. Je l’ai surpris un jour au cinéma, il embrassait à pleine bouche une femme au dernier rang, alors que le film était fini. C’était la première séance de la journée, il était censé être à son travail – et moi au cours ! Quand il s’est rendu compte que j’attendais qu’il se lève pour quitter la rangée, il est devenu blanc comme un linge. Il a bafouillé puis m’a présenté sa « collègue » et fait jurer dans le hall de ne rien dire à personne. Il me serrait tellement le poignet que j’ai cru qu’il allait le casser. J’avais mal et j’ai promis, comme une idiote. Ma mère est décédée brutalement il y a un an, sans se douter de rien, j’en suis sûre. N’est-ce pas la pire des humiliations ? Je n’aurais jamais dû tenir ma langue.

[Anne-Véronique, 32 ans, maquilleuse de télévision]

 

12. J’ai allaité pendant presque quatre mois. Du jour où j’ai arrêté, mon bébé a été « enlevé » par ma mère. Il ne m’appartenait plus. J’avais été une mère pendant quatre mois – je suis redevenue sa fille. Elle me disait comment organiser ma semaine, comment nourrir et soigner mon fils, quoi lui mettre, etc. Aux premières vacances elle a voulu me « décharger » de lui pour que je « retrouve » mon mari. Elle s’est mise à régler ma vie comme du papier à musique, devenant hyper envahissante quand mon mari s’absentait (il est lieutenant de marine). Ses intrusions commençaient dès l’aube, avec les courses « indispensables » qu’elle venait déposer chez moi. J’ai essayé de protester doucement au début mais elle m’expliquait qu’elle avait de l’expérience et qu’elle désirait sincèrement m’aider dans ma nouvelle vie de mère : ce n’était pas de l’ingérence, selon elle, mais de la solidarité. Ça a duré un an. Une vraie lutte sournoise et feutrée, j’ai eu du mal à ne pas exploser. Puis elle a commencé à lâcher prise. Mais j’ai cru devenir folle et je l’ai payé ensuite d’une dépression atroce.

[Emma, 27 ans, journaliste free-lance]

 

13. « Quand tu es née, tu avais le crâne allongé comme une courge, quelle horreur ! Tu étais vraiment laide ! Et ta grand-mère pensait la même chose ; après s’être approchée de toi, la première fois, elle a pris une moue dégoûtée : aussi laide que son père ! » Voilà ce que j’ai entendu pendant toute mon enfance – et ça faisait rire la famille aux repas d’anniversaire comme à Noël, à Pâques, ou en vacances. J’ai appris plus tard que ma mère avait essayé de m’avorter, mais elle s’y était prise trop tard et le médecin le lui avait interdit. Son franc-parler avait du charme parfois, mais elle était lourde souvent, et inutilement blessante avec moi. Je ne lui ai jamais rien reproché, je faisais le gros dos de peur que les sarcasmes ne redoublent. Je m’en suis tirée malgré tout – et on me dit que je suis jolie, quand même !

[Laure, 28 ans, secouriste]

 

14. Je connais ses heures, surtout en hiver, elle me téléphone en fin de semaine, le soir, au moment où je couche les enfants. Une petite lumière s’allume dans ma tête, je suis sûre que c’est elle ! Je ne veux pas que mon mari décroche le premier, j’arrête tout et je bondis sur l’appareil. Ma mère a bu, comme d’habitude, elle est sentimentale et mélancolique, évoquant le passé comme à chaque fois : « Vous étiez si mignons, ton frère et toi, vous vous souvenez des vacances qu’on passait en Bretagne avec Jean ? Et de la mouette qu’on a retrouvée un jour au volant de la voiture ? – Je ne dérange pas ? » Si, Maman, tu me déranges et tu vas te mettre à pleurer, comme chaque fois, en prétendant que tout le monde t’abandonne. Ça va finir par des insultes, tu me traiteras d’égoïste et d’ingrate, de cœur gelé « aussi dur qu’une pierre ». Quand donc aurai-je le courage de te dire que tu es lamentable de t’apitoyer comme ça sur ton sort ?

[Christine, 40 ans, juriste]

 

15. Mon père est en morceaux depuis que ma mère est morte. Et il est en train de briser deux vies supplémentaires, la mienne et celle de ma sœur. On se relaie toutes les deux dans son appartement, ça fait six mois que ça dure, et il prétend toujours être incapable de bouger ou d’entamer quoi que ce soit. Je voyais bien que ma mère en faisait des tonnes pour lui depuis toujours – courses, repas, lessive, couture, banque, administrations. Maintenant qu’elle n’est plus là, il est comme bloqué, incapable de se cuire un œuf, de descendre à l’épicerie, de passer un aspirateur, de retrouver ses lunettes, de mettre le chauffage... Il veut se laisser mourir, il dit que sa vie n’a plus de sens, il ne comprend rien à la machine à café... Pourquoi n’ai-je pas anticipé tout ça et sermonné ma mère quand il était encore temps ?

[Marie-Rose, 42 ans, économiste]

 

16. Ma mère ne m’a jamais fait confiance. Très vite elle m’a considérée comme une irresponsable et colporté la rumeur dans notre entourage. C’est ainsi que je fus définitivement cataloguée tête de linotte jusqu’à ma majorité. Tout ça parce que j’étais une enfant rêveuse, un peu solitaire, repliée dans mon monde à moi. Un jour que j’avais sept ans, elle me demande d’aller chercher des œufs à la ferme. Il faisait beau, j’étais fière de ma mission. Sur le chemin du retour je chante des chansons tout en admirant le paysage. Et bats la mesure du genou contre le panier rigide. Arrivée à la maison, le mal et ma réputation étaient faits : aucune coquille n’avait résisté. Les œufs se sont mis à couler sur le carrelage de la cuisine pile devant ma mère... Au fil du temps je me suis glissée dans la peau de ce personnage de distraite – ça m’arrangeait parfois. Je n’aurais jamais dû le faire : j’ai fui trop de situations au lieu de les affronter.

[Solenne, 27 ans, coloriste]

 

17. Ma mère est dans une secte. Ça a commencé tout doucement, elle a été approchée par un couple plutôt sympa, puis ça a dégénéré. Elle est devenue économe, ne rentrant plus à la maison que pour aller se coucher, ne s’occupant plus de rien. Elle a fini par vendre la maison, même pas trois mois après la mort de mon père. Aujourd’hui elle vit « en communauté » et ne répond plus à mes lettres, ni à celles de son frère. J’aurais dû sentir venir la chose – surtout que c’est moi qui ai ouvert la porte, la première fois, à ce couple de malheur. Je m’en veux.

[Liliane, 34 ans, fonctionnaire]

 

18. Nous nous téléphonions tout le temps, ma mère et moi. On se donnait des conseils, on prenait rendez-vous pour faire les courses ensemble, on déjeunait. Quand les choses n’allaient pas bien elle me remontait le moral. Le soir on se retéléphonait encore, on faisait des projets pour le lendemain, on se racontait des trucs assez intimes. J’ai remarqué un jour que mon mari essayait de la séduire, il en faisait des paquets – et elle y était sensible ! J’ai compris qu’il tentait de me parler, en fait. Et que ma mère m’étouffait, me tenait sous sa coupe, avait construit une petite forteresse autour d’elle et moi... J’ai eu honte de ne pas l’avoir admis plus tôt – mais je n’ai jamais rien dit.

[Amélie, 33 ans, éleveuse de labradors]

 

19. Ma mère conduit comme un pied. Je n’ose pas le lui dire de peur que ça la crispe encore plus. Mais qu’est-ce qu’elle est nulle au volant !

[Camille, 22 ans, étudiante]

 

20. Ma mère est jalouse de mon succès auprès des garçons. Elle a toujours été bégueule de ce côté-là avec ses airs de vieille aristo. Sa génération a fait mai ’68 pourtant, et inventé le mouvement de libération des femmes – mais il n’y a rien à faire, elle trouve que je ne me comporte pas « comme une jeune fille normale ». Et vas-y que je te reproche d’être une Marie-couche-toi-là, une garce, une traînée ! Tu veux que je te dise Maman ? – Tu as envie d’aller voir ailleurs que chez Papa, si, si ! Il est gentil ton mari, c’est vrai, mais pas franchement sexe avec son mètre soixante-trois, sa calvitie et son gros bide ! Allez, lâche-toi, je sais que le baron Duschmoll n’attend qu’un battement de cil de ta part ! Il te tourne autour sans arrêt depuis six mois ! – Sauf que je n’ai jamais osé dire tout ça à ma mère, j’espère qu’elle tombera sur cet article et se reconnaîtra !

[Marie-Charlotte, 26 ans, avocate-stagiaire]

 

21. Mon terrible secret tient en trois mots : argent, argent, argent ! Oui, Maman chérie, les bibelots qui disparaissaient de temps en temps de la maison, c’était moi ! Pareil pour les Permeke et les Magritte (pas les tableaux – les billets de mille et cinq cents) – c’était encore moi ! Tu te souviens de Jean-Michel Y., le type super-bien habillé avec qui je suis sortie pendant un an ? Tu l’aimais beaucoup, tu le trouvais généreux et « classe » : eh bien il était fauché comme les blés ! C’est moi qui l’habillais comme ça ! Ou plutôt toi ! Et puis on s’est séparés... Il est reparti avec toute la garde-robe... Je me suis sentie horriblement mal, je n’ai jamais osé te le dire ! Tu me pardonnes ? Qu’est-ce qui te ferait plaisir pour ton anniversaire, je viens de rentrer des statuettes chinoises qui sont un amour !

[Éléonore, 32 ans, antiquaire]

 

22. Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours servi d’entremetteuse. Que ce soit à l’école ou en famille, c’était moi la diplomate, celle qui portait les messages et calmait les malentendus... Je savais taire un secret ou en jouer discrètement : très vite j’ai été celle en qui on avait confiance. Mais je dois avouer qu’au fil du temps ce pouvoir m’a grisée. Au lieu de faire ma vie je suis sortie de mon rôle et j’ai pris les devants. C’est ainsi, jolie Maman, que je suis à la base de ton re-mariage ! Tu ne l’as jamais su – et lui non plus – mais c’est moi qui suis allée chercher Romano sur Internet ! Ça a commencé comme une plaisanterie avec ma cousine, on s’était inscrites avec des pseudos sur un site de rencontres, puis l’affaire s’est emballée ! Romano a mordu à l’hameçon, on a organisé une fête à la maison et il était parmi les invités. Il cherchait sa correspondante, le pauvre – laquelle ne s’est jamais présentée, bien sûr ! En revanche je t’ai poussée dans ses bras – car vos âges et goûts correspondaient ! Vous vous êtes plu, vous vous êtes revus... et hop ! Merci qui ?

[Juliette, 29 ans, web-graphiste]

 

23. Elle a une voix ridicule, Maman, haut-perchée, criarde, comme si ses cordes vocales s’étaient bloquées à la puberté ! Une conversation avec elle vous ramène en salle d’accouchement d’avant la péridurale ! Ça crie et ça geint pour dire des banalités ! Parfois, quand elle est fatiguée, on dirait un vieux toucan alcoolo qui discute vers de terre avec ses copines ! Mais si elle est en pleine forme, ses notes suraiguës traversent les murs ; un appel sur mon GSM et c’est tout le métro qui se retourne : c’est si grave que ça, mademoiselle ?! ça brûle chez vous ? – Je t’adore, Maman, mais en sourdine, en sourdine...

[Lola, 34 ans, musicienne]

 

 

24. Ma mère a toujours aimé s’entourer d’animaux. Nous habitions à la campagne, près de Maastricht, sur des terres appartenant à sa famille. On voyait des troupeaux de vaches par les fenêtres, nous avions deux chiens, un chat, un cheval de trait... Un jour, sur les conseils de mon père, j’achète avec mes économies (et les siennes aussi, car c’était très cher) un petit gris du Gabon pour l’offrir à  ma mère (c’est un perroquet). Elle était folle de joie, l’oiseau avait quelques mois et plein de reflets bleutés. Elle s’occupait de lui le matin, nettoyait sa cage et le laissait voleter dans le salon pendant une heure ou deux. Un dimanche, alors qu’il était à l’autre bout de la pièce, j’ai entrouvert la porte-fenêtre pour jeter quelque chose dehors : il est parti comme une flèche et a disparu ! C’était l’hiver, il gelait. Ma mère était tellement triste que je n’ai pas osé lui dire la vérité. On a cherché le petit gris pendant des semaines – elle s’est même brouillée avec l’éleveur qui avait prétendu que ses ailes avaient été coupées...

[Anne, 30 ans, vétérinaire]

 

25. Je n’ai jamais dit à ma mère (et je ne lui dirai jamais) que je la trouve bête à bouffer du foin (mes excuses au foin) ! Elle a autant de culture générale qu’une casserole de moules ! Et ce ne serait pas encore trop grave si elle la fermait, sa casserole – mais c’est tout le contraire : Madame pérore, lit les journaux en diagonale et donne son avis sur tout ! Dieu qu’elle me fait honte, parfois ! (Je dis qu’elle lit les journaux, en fait ce sont les gratuits du supermarché !) Ah, on ne risque pas de gagner des millions avec elle ! Alors stop, Maman, stop : ne prends pas l’appel au public, ni le 50-50 et surtout ne téléphone pas – tu te tromperais de numéro ! Coupe la télé, boutonne ton col et va reposer ton neurone avec un mot-fléché !

[Sandrine, 17 ans, étudiante]

 

26. Une chose que je n’ai jamais osée dire à ma mère ? Plus le temps passe, plus je trouve que je lui ressemble physiquement ! Je m’étais rêvée en Virginie Ledoyen, en Nicole Kidman ou en Carole Bouquet – et me voilà en ma mère à moi, quelle horreur ! Y a-t-il un chirurgien dans la salle ? (Pour moi – pas pour Maman, je l’adore, elle est très bien comme ça !)

[Sophie, 42 ans, agent immobilier]

 

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