« Chouette, les vacances sont
finies ! »
— une
enquête de Noëlle Clou pour Gael —
[Publiée en septembre 2003 p.167]
Les vacances c’est
comme tout : un peu, ça va — beaucoup, bonjour les dégâts ! Trop de
plage tue la plage (et le portefeuille) ! Alors vivement qu’on rentre,
histoire de se remettre dans le bain de la vraie vie — et la tête, pourquoi
pas, dans les nouveaux catalogues d’hiver ! Noëlle Clou a promené
son Dictaphone dernier cri auprès de toutes les gamines étincelantes qui ont la
pêche et qui crachent le feu en ce septembre naissant...
[Jaklyne,
26 ans, disquaire]
Moi
j’adore la rentrée tout simplement parce que je retrouve mes amies !
À quoi ça sert des vacances de rêve, si on n’a personne à qui les
raconter ?! Et puis la vie prend un sacré coup d’accélérateur quand on est
loin de chez soi : Anne-Sof’ a rencontré l’Italien idéal par
exemple (Sergio est hâlé juste ce qu’il faut, genre cappuccino ;
il se moque du foot et de la Formule 1 — mais adore traîner à table
jusqu’à l’heure de la sieste). Ginette, de son côté, a largué son pot de
colle à lunettes (Schtroumpf savant, qu’on l’appelait), alors que Véro
découvrait les vertus aphrodisiaques de la caïpirinha, des ladies
night et autres happy hours... Septembre file ainsi au fil des souvenirs
et des histoires qu’on rapporte — c’est drôle et ça déchire un max, comme
disait... Max, justement, un joueur de beach volley brésilien
qui... que je... bref !
[Rita,
33 ans, libraire]
Dès
la mi-août je piaffe comme Zingaro et toute l’écurie de Bartabas !
Car la rentrée, pour moi, c’est la nouvelle saison littéraire. On annonce près
de 700 nouveaux titres cette année — un torrent de papier qui me saoule de
bonheur ! Entre les traductions, les premiers romans et les best-sellers
aux couvertures un chouïa rutilantes, mon cœur ne balance plus : je
prends tout ! La frénésie succède ainsi aux langueurs estivales — et
j’adore ça ! Parler avec les lectrices de leurs livres de vacances, les
conseiller pour la suite, découvrir avec elles de jeunes romanciers et de
nouvelles idées — je donnerais toutes les destinations du monde pour les
100 m2 de ma librairie : on s’y aime, déchire, entretue et
réconcilie plus fort que partout ailleurs !
[Geena,
37 ans, urbaniste]
C’est
en été que les villes changent. On profite de l’exode général pour boucher les
trous des avenues, redessiner les carrefours, changer les revêtements... Nombre
de chantiers ne sont pas terminés — mais on voit le plan qui s’ébauche derrière
les machines énormes et les petits hommes casqués de jaune. J’aime la rentrée
pour ça : le quartier se modifie et mes anciens itinéraires aussi, au gré
des sens uniques, favorables ou défavorables... Certains travaux qui semblaient
ne jamais devoir finir se sont achevés : l’œil s’en trouve comme lavé à
l’eau pure avec ces perspectives toutes fraîches. C’est ma ville de toujours —
et une autre en même temps. Délicieux comme un nouvel amour...
[Rachel,
26 ans, photographe]
Fin
août, début septembre l’activité du magasin explose. Nous développons des kilomètres
de film et tirons des hectares de photos. C’est un peu toujours la même
chose : la famille Glandu qui soutient la tour de Pise, Mémé
qui avale sa sixième brochette-merguez, ou le jeune Riri qui fait ses
gammes à vélo sur un parking désert (et les rotules)... Parfois on tombe sur
des trucs incroyables : du base-jump au Mexique dans le canyon du
Sumidero, du kite-surf acrobatique en plein orage tropical, des
collections entières de néons américains glanés au long de la route 66... Mais
mon vrai plaisir ce sont mes clichés perso : je les dispose soigneusement
à l’ancienne, dans de gros albums cartonnés avec papier calque filigrané de
toiles d’araignée. Ça me prend des jours à mettre en page — mais quel succès
auprès des copines quand c’est fini !
[Roberta,
28 ans, étalagiste]
Pour
moi la rentrée de septembre c’est une intraveineuse de vitamines : au
revoir les vitrines artificielles de l’été, adieu les soldes tristounets de
juin, oubliée la mode d’avant déluge d’il y a un an ! Place aux nouvelles
couleurs et aux nouvelles matières ! Aux nouvelles coupes et aux nouvelles
idées ! Bronzées telles des stars et d’une minceur de sirène, c’est le
moment pour nous d’éblouir la galerie en frou-frou demi-saison (et accessoirisé
à mort, le frou-frou) ! Septembre semble d’ailleurs fait pour ça — lequel
voit renaître l’activité culturelle et se succéder cocktails, premières ou
soirées entre amis. Pour moi c’est la plus belle période de l’année, les
vitrines sont magnifiques, l’air est encore suave et les mannequins muets
montrent toujours leurs genoux. Tous ces nouveaux étalages auxquels je
travaille me mettent de bonne humeur jusqu’au printemps !
[Lou,
40 ans, agent d’assurance]
Plus
on se rapproche de l’équinoxe d’automne et mieux je me porte ! L’été, pour
moi, est synonyme de régimes, de maillots qui ne laissent rien passer, de
crèmes anti-moustiques, d’indices 30+ et d’UVB à surveiller, de petites salades
chichiteuses qui vous laissent affamée puis sans voix : pas question en
effet de hurler à midi pile qu’on crève de faim ! Qu’on a juste envie
d’une petite tonne de spaghetti carbonara ! Ça ne se fait pas sous
les paillotes élancées de Portofino ! Alors septembre est chaque année
mieux venu : adieu la torture des repas où tout le monde surveille
l’assiette du voisin, adieu les ridicules paréos savamment noués pour cacher
les rondeurs — et vive le steak béarnaise, la tarte au citron meringuée, le
vieil alcool de prune ! On reparlera régimes toujours assez tôt,
lâchez-moi les baskets !
[Rose-Anne,
32 ans, chef de pub]
Les
vacances dans les huttes du Banana Club sans téléphone, sans radio ni
télévision, sans journaux, c’est bon pour dix jours mais pas plus ! Il y a
bien l’Internet (facturé au prix du caviar) mais il est hyper-lent, sans
cédilles et sans accents, affublé d’un Qwerty même pas homologué... Moi je suis
perfusée aux infos et potins du monde, alors les séjours à la Trappe finissent
par me faire disjoncter, malgré les palmiers ! L’actu est en veilleuse
pendant les vacances, c’est vrai, mais je veux tout savoir quand même des
derniers râteaux qu’Albert s’est pris sur le Rocher ! J’en arriverais même
à m’intéresser au Van Damme, c’est dire ! (le meeting d’athlétisme
à Bruxelles, pas le type qui cause le Jean-Claude !) Ainsi la
rentrée est-elle pour moi comme un escalator rouillé qui se remettrait en
marche — plus beau, plus rapide, plus sûr que jamais. Je m’accroche à la rampe,
rattrape le temps perdu et dévore les journaux qui se sont empilés devant ma
porte. Je partirais loin de chez moi rien que pour le plaisir de rentrer,
presque !
[Linda,
41 ans, mère de famille non recomposée]
Depuis
que mon mari m’a quittée il y a quatre ans, je vois septembre comme le bout
d’un long tunnel : ouf, l’école recommence ! C’est maintenant qu’il
faudrait tirer des feux d’artifice et lancer des pétards — pas le 21
juillet ! Fini les enfants à soigner, à distraire, à nourrir et à consoler
24h/24 ! La rentrée c’est la pause-café de la mère célibataire et les
vacances un genre de galère à trois étages de rames qu’il faut manœuvrer
seule ! De plus, si vous avez dans le lot comme moi deux filles de 14 et
16 ans, bonjour les angoisses ! Car il faut allumer des feux, le soir,
pour tenir éloignés les jeunes fauves de la région — lesquels attaquent même
quand ils n’ont pas faim, les bougres ! La rentrée c’est vraiment mon
élixir : plus elle approche, plus je rajeunis !
[Béatrice,
dite Baby-love, dite Bé, 15 ans, étudiante]
Ouf,
les vacances sont finies, je vais enfin retrouver mes copines de classe et
m’amuser un peu ! Ma mère s’imagine que c’est fun, les châteaux de
la Loire ! Ça va pas bien !? Elle ne raconte pas l’Opel nase et les
campings zéro étoiles ! Et puis question boîtes de nuit, Amboise c’est pas
Ibiza ! Pas étonnant que Léonard de Vinci n’ait pas survécu aux mix
du DJ local ! Quelle taule, ce bled ! Vivement la rentrée qu’on
s’éclate !
[Charline,
26 ans, prof de français]
Il
y a une courte période, dans les magasins, que je ne raterais pour rien au
monde : c’est celle de la rentrée scolaire — avec toutes les fournitures qui
vont avec. À moi les nouveaux feutres japonais flashy, les petits
carnets recouverts de moleskine (ce mot, déjà !), les nouveaux papiers,
les nouvelles chemises, les nouveaux outils pour écrire ! Tout sent bon,
brille, et se range soigneusement en piles énormes — mais il faut faire vite
car cette géométrie de rêve disparaît en trois semaines. Ne restent alors que
des cahiers écornés, des transparents maculés, des tubes de Pritt sans
bouchon... En attendant, je fais bombance ! Mmmmh, rien que d’évoquer l’odeur
de la colle, j’en ai la tête qui tourne...
[Euzie,
37 ans, secrétaire]
J’aime cette période de l’année pour deux
très brefs instants : le premier c’est quand je découvre d’un coup d’œil le
jardin tel qu’il a évolué en notre absence. Tour à tour sauvageon affranchi qui
a résolu de pousser à tort et à travers — ou vieux ronchon paresseux, roussi
par le soleil. Mais cette année il en a décidé autrement, changeant
complètement d’allure sans rien faire. Les voisins ont en effet rasé un bosquet
de pins de l’autre côté de la haie — et des flots de lumière crue surprennent
chaque matin mes yeux ébahis... La deuxième bouffée de plaisir, c’est le
courrier. J’envoie tellement de cartes postales quand je suis en vacances, et
depuis tellement longtemps, que les gens réciproquent désormais,
expédiant eux aussi des images fabuleuses et des timbres originaux. C’est bien
simple, il y a désormais dans ma boîte plus de cartes postales que de
factures !
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