______________________________________
51
+ 11 – 6 = 101 + 15 – 60
______________________________________
(56
= 56) .
Outre
sa vérité arithmétique, cette égalité présente la particularité que les trois
nombres de gauche et les trois nombres de droite s’écrivent avec les mêmes
lettres :
CINQUANTE ET UN + ONZE
– SIX = CENT UN + QUINZE
– SOIXANTE
On aurait pu également présenter cette anagramme
ainsi :
CINQUANTEETUNPLUSONZEMOINSSIX
CENTUNPLUSQUINZEMOINSSOIXANTE
L’histoire
de cette formule commence par une question récurrente sur la liste « Oulipo » :
> ELEVEN
+ TWO = TWELVE + ONE
> Qui trouvera un résultat équivalent en
français ?
Tout
avait démarré, semble-t-il, le 17 Novembre 1998 à 10:22:06 +0100 par un message
de Nicolas Graner :
> Voici de superbes
anagrammes anglaises que j’ai reçues de
> quelqu’un
qui les a reçues de quelqu’un qui les a reçues
> d’un
technicien de l’université de Leeds (UK). Je n’en sais
> pas plus sur leur
origine :-)
> J’espère surtout que
celle sur « eleven plus two »
donnera
> des
idées à nos anagrammologues francophones...
Nicolas
-------
> Dormitory
= Dirty Room
> Evangelist
= Evil’s Agent
> Desperation
= A Rope Ends It
> The Morse Code = Here Come Dots
[...]
> Eleven
plus two = Twelve plus one
-------
Quand
ce sujet revint sur la liste, quelques années plus tard, Nicolas ajouta qu’il
fallait évidemment exclure les « propositions triviales1 du
genre : vingt + TROIS = vingt-trois ».
Je
pensais à tout cela, lundi dernier (17 mars 2003).
Je me demandais pourquoi Nicolas avait pris l’exemple de 23 et pas
de 22. Ou de 21. Je souris : VINGT ET UN, à l’évidence, ne
convenait pas puisque distinct de VINGT + UN par le digramme ET... Puis
j’eus une illumination : au fond, il y avait là une sorte
d’« équation » permettant de remplacer le digramme ET par une
expression « alphanumérique » simple :
(a)
ET = 21 – 20 – 1
De
même je savais, et nous savons tous, que QUATORZE « contient »
QUATRE. Cela conduisait à une autre équation :
(b)
OZ = 14 – 4
Idem
pour QUARANTE, lequel englobe QUATRE, donc :
(c)
AN = 40 – 4
Un
début de table de digrammes « alphanumériques » se mettait en place. Si
l’on pouvait écrire, à l’aide de lettres ainsi mises en évidence, un nombre
non-utilisé encore dans les équations, l’affaire serait faite !
J’ai
donc commencé une liste de nombres « élémentaires » qui en
contiennent d’autres :
—
NEUF contient UN (malheureusement NEUF contient aussi F, lequel F
n’est présent dans aucun autre nombre élémentaire ; impossible à
utiliser donc. Pareil pour HUIT qui contient un H unique. Et SEPT qui
contient le seul P).
—
QUINZE contient UN, ce qui conduit à l’équation :
(d)
QIZE = 15 – 1
—
QUARANTE contient QUATRE, on l’a vu, mais aussi UN :
(e)
QARATE = 40 – 1
—
CINQUANTE contient CINQ, UN et CENT :
(f)
ATE = 50 – 5 – 1
(g)
AQI = 50 – 100 – 1
—
SOIXANTE contient SIX :
(h)
OANTE = 60 – 6
Les
autres nombres ne produisent rien. En revanche un examen approfondi des lettres
que partagent certains d’entre eux permet de trouver des choses comme :
DIX + SEIZE + TR
= TREIZE + SIX + D qui peut
s’écrire :
(i)
TR – D = 13 – 6 – 10 – 16
Ou
comme :
ONZE + R = ZÉRO
+ N soit :
(j)
R – N = 0 – 11
Ou
encore :
DOUZE + X = DEUX
+ ZO soit :
(k)
X – ZO = 12 - 2
etc.
On
parvient assez vite à isoler des lettres individuelles. Par exemple en faisant
(f) – (a) on trouve (k) :
(f)
ATE = 50 – 5 – 1
(a) ET = 21 – 20 – 1
---
-----------
(k)
A
= 50 – 5 – 1 – 21 + 20 + 1
= 50 – 5 – 21 + 20
De
même en faisant (h) – (a) - (c) on trouve (m) :
(h)
OANTE = 60 – 6
-----
------
(a) ET = 21 – 20 – 1
(c) AN
= 40 – 4
(m)
O
= 60 – 6 – 21 + 20 + 1 – 40 + 4
En
faisant (b) + (k) on trouve (n) :
(b) OZ = 14 – 4
(k)
X – ZO = 12 – 2
------
------
(n)
X
= 14 + 12 – 4 – 2
De
proche en proche, et en veillant toujours à ne pas tourner en rond avec
les équations, on finira par trouver des solutions du type de celle qui ouvre
cette page...
Attention,
exhiber deux groupes de nombres anagrammes l’un de l’autre ne suffit
pas ! Il faut encore les combiner subtilement à l’aide de signes plus
et moins pour que les comptes arithmétiques tournent...
__________
Voici, par exemple, et tous tâtonnements disparus, la marche suivie pour trouver le résultat plus haut :
QUINZE + O = ONZE
+ QUI
[ajout
de CENT] :
CENT
+ 15 + O = 11 + QUI + CENT
[ajout
de AN] :
100
+ 15 + O + AN = 11 + QUI + CENT + AN
[mélange] :
100
+ 15 + O + AN = 11 + CINQUANTE
[ajout
de QUATRE] :
100
+ 15 + O + AN + QUATRE = 11 + 50 + QUATRE
[mélange] :
100
+ 15 + O + QUARANTE = 11 + 50 + 4
[utilisation
de l’équation (m) pour O] :
100
+ 15 + [60 – 6 – 21 + 20 +
1 – 40 + 4]
+ 40 = 11 + 50 + 4
[suppression
des crochets et simplification des termes soulignés] :
100
+ 15 + 60 – 6 – 21 + 20 + 1 = 11 + 50
[passage
des nombres négatifs de l’autre côté du signe égale] :
100
+ 15 + 60 + 20 + 1 = 6 + 21 + 11 + 50
[transformation
(à droite) de 21 + 50 en 20 + 51 et simplification des
termes soulignés] :
100
+ 15 + 60 + 1 = 6 + 11 + 51
[compactage
et nouvel ordre des termes] :
101 + 15 + 60 = 51 + 11 + 6
Muni de deux signes moins, c’est le résultat déjà signalé.
(La petite animation ci-dessous m’a été envoyée en juillet 2011 par Basile Morin, via la liste Oulipo – merci à lui !)
Je
voulais, il y a quelques jours, trouver une formule qui ne comportât pas de
signe moins, à l’instar de l’anglo-saxonne 11 + 2 = 12 + 1.
Et qui satisfît aussi à un autre critère, surnommé « l’anagraal » par Nicolas
Graner2 : que les chiffres à gauche du signe « = »
soient les mêmes qu’à droite — comme dans la formule 11 + 2 = 12 + 1
où l’on compte deux 1 et un 2 dans chaque membre de
l’égalité : après l’anagramme de lettres, l’anagramme de chiffres ! (En plus de la vérité
arithmétique).
La
première difficulté fut d’obtenir des totaux identiques dans chaque membre sans
employer de signe moins. L’écart à combler était de 108 — la partie gauche valant 176 et
la droite 68. Comment faire ?
L’astuce
consista à utiliser des nombres « composés » (par opposition aux nombres élémentaires
rencontrés plus haut). En
« dé-composant » de tels nombres on
approche du but : 220 et 122 (DEUX, CENT, VINGT <——> CENT, VINGT, DEUX) par exemple, utilisent
les mêmes mots et les mêmes lettres, pourtant leur différence vaut 98.
En
combinant avec patience de tels nombres, on finit par trouver l’un des anagraals suivants (l’égalité d’origine est en
jaune pâle) :
____________________________
2101 + 915
+ 360 + 302 + 2
=
3051 + 211
+ 206 + 203 + 9
____________________________
Cette expression satisfait donc aux six critères de l’anagraal granérien :
a) même total G/D (3680)
b) mêmes lettres G/D
c) mêmes chiffres G/D
d) même quantité de nombres G/D
e) uniquement des signes +
f) aucun nombre répété
...
mais le résultat est nettement moins sexy
que l’anglo-saxon « ELEVEN + TWO = TWELVE + ONE », c’est vrai !
Y
a-t-il moyen de faire mieux, plus compact, plus élégant3 ? Who knows !
__________
[Note du 3 octobre 2008] :
À l’occasion d’un jeu lancé par Erich
Friedman, Jean-Charles Meyrignac a trouvé (le
3 octobre 2008), que les lettres écrivant ces deux nombres sont les mêmes (en
français) :
CINQUANTE-SIX
MILLE SOIXANTE ET ONZE (56071) et
SOIXANTE
MILLE CENT SOIXANTE-QUINZE (60175)
En
supprimant MILLE en haut et en bas on dispose des unités lexicales suivantes
pour résoudre notre problème :
CINQUANTE
/ SIX / SOIXANTE / ET / ONZE = SOIXANTE / CENT / SOIXANTE / QUINZE
En
jouant avec les signes « plus » et « moins » de façon ad hoc, on finit par trouver :
SOIXANTE ET ONZE + CINQUANTE - SIX = CENT + SOIXANTE-QUINZE - SOIXANTE
71
+ 50
- 6 = 100
+ 75 -
60
... ce qui est vrai : 115 = 115
C’est
donc là une seconde solution au
problème cherché : bravo Jean-Charles !
(elle revient à
remplacer le mot « UN » de la première solution par le mot
« SOIXANTE » et à recombiner les termes ; le courriel complet de
Jean-Charles à Erich est là)
______________________________________
71 + 50 – 6 = 100 + 75 – 60
______________________________________
(115 = 115)
Cette égalité, écrite
comme suit, est une jolie anagramme de lettres et de chiffres (mais
pas de signes) :
______________________________
71 + 50 -
6 = 175 - 60
______________________________
(115 = 115)
Pour que lettres,
chiffres et signes soient identiques des deux côtés, il faut alourdir l’égalité
en lui ajoutant CENT, CENT, UN de chaque côté et trois signes « + »
en tout (en bleu) :
_________________________________________________________
101 + 71 + 50 – 106 =
175 – 160 +
100 + 1
_________________________________________________________
(116 = 116)
Peut-on faire
mieux ?
Plus économe en
signes typographiques ? Il y en a treize ici (hors
espaces)
de chaque côté du signe « = »
On aurait pu
charger encore la barque en se proposant de pandigitaliser
le binz (les chiffres de 0 à 9 sont tous représentés, une et
une seule fois chacun, dans chaque membre). Le cœur inchangé de l’opération est
en rouge ; plusieurs autres solutions sont possibles (par permutations des centaines, par disjonction des parties
constitutives d’un nombre, etc.) :
_________________________________________________________
329 + 71 + 58 – 406 =
175 – 460 + 328 + 9
_________________________________________________________
(52 = 52)
__________
[Note du 7 octobre 2008] :
Jean-Charles Meyrignac a cherché (à
l’aide d’un sien programme
en langage C) tous les « noyaux anagrammes » pouvant donner des égalités
du type ELEVEN
+ TWO = TWELVE + ONE en français. Le corpus de « mots-nombres » utilisé
est :
ZERO, UN, DEUX, TROIS, QUATRE,
CINQ, SIX, SEPT, HUIT, NEUF, DIX, ONZE, DOUZE, TREIZE, QUATORZE, QUINZE, SEIZE,
VINGT, ET, VINGTS, TRENTE, QUARANTE, CINQUANTE, SOIXANTE, CENT, CENTS, MILLE,
MILLION, MILLIONS, MILLIARD, MILLIARDS.
Le résultat est listé là.
Le « noyau anagramme » le plus court
de cette liste permet ce petit quiz (paru ce jour sur fr.sci.maths
et la liste Oulipo) :
Quiz : Quand cette égalité est-elle
vraie ?
0 + 21000000 = 1 + 11023
Réponse : ... quand on l'écrit en toutes
lettres :
ZEROPLUSVINGTETUNMILLIONS =
UNPLUSONZEMILLEVINGTTROIS
Jean-Charles
n’aimant pas trop les signes « - » a cherché la
plus petite égalité ne comportant que des « + ». Elle apparut à partir du noyau [ET DEUX TROIS QUINZE QUARANTE CENT <=> QUATRE SIX
DOUZE TRENTE CINQUANTE]. Chaque côté du signe « = » vaut
781 :
__________________________________________________
345 + 221
+ 215 = 592 + 156 + 32 + 1
__________________________________________________
(781 = 781)
Soit :
TROIS CENT QUARANTE-CINQ + DEUX CENT VINGT ET UN + DEUX
CENT QUINZE = CINQ CENT QUATRE-VINGT-DOUZE + CENT CINQUANTE-SIX + TRENTE-DEUX +
UN.
__________
[Note du 16 octobre 2008] :
L’égalité de Jean-Charles en jaune pâle ci-dessus
est améliorable – il suffit par exemple d’augmenter la quantité de termes admis
à gauche du signe « = » (le programme de
Jean-Charles en fixe par défaut sept maximum à gauche et dix à droite :
< #define MAX_LEFT 7 //#define MAX_RIGHT 10 >, comme on peut
toujours le voir là).
On trouvera ici
la table des nombres
« composés » évoqués plus haut, laquelle
permit de trouver à la main ce qui semble constituer l’anagraal minimal record (238) à l’heure actuelle :
_______________________________________________________________
2+5+14+16+25+41+61+74 = 4+6+11+12+24+54+56+71
_______________________________________________________________
(238 = 238)
__________
1. La plus petite de ces
égalités triviales est 17+8=18+7 [DIX-SEPT + HUIT = DIX-HUIT + SEPT]. Mais que
penser de 200+81=201+80 ? [DEUX CENTS + QUATRE-VINGT UN = DEUX CENT UN +
QUATRE-VINGTS] ; ici un S se promène d’un mot à l’autre...
2. Merci à Nicolas Graner
pour ses archives informatiques, ses encouragements et ses listes infinies de
nombres bizarres !
3. En attendant, voici une
manière de présenter le résultat ci-dessus qui vérifie un 5e
critère : le trouverez-vous ? (les quatre autres sont : égalité arithmétique, égalité de lettres, de chiffres, de signes).
Solution sous le signe égale...
915
+ 1 + 160 + 2300 + 2 + 302 =
203 + 200 + 3206 + 11 + 51 + 9
__________
L’égalité anagrammatique
ELEVEN + TWO = TWELVE + ONE est attribuée par le site anagrammy.com à un certain Melvin O. Wellman
(1948).
En espagnol ? Deux
solutions connues :
UNO + CATORCE = CUATRO +
ONCE
TRES + DOCE = DOS + TRECE
Voir là
d’autres solutions anglaises (folles !) trouvées par Richard
Grantham.
Et ici encore un courrier intéressant de Jean-Charles
Meyrignac.
Et là un
délire arabo-romain du même acabit !
Et ici de
l’autoréférence dans l’irrationnel !
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