[Bestiaire
ébloui des lexies tératoïdes]
Chapitre
42
Alphabets parlants
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Que
partagent les mots de cette liste ?
Athée,
hygiène, cuit, Eiffel, ôtez, cuiller, occuper, Elie, cucul, Ixelles, acuité,
éphémère, Hélène, essuient, effigie, haine, happer, chaos, cacao, cacaoyère,
airelles, émergé, Cayenne, huppé, eau, théière, abaissées, cadet, Yémen, écu,
ioder, ipéca, essaiment, émaillèrent, bébé, tétée, pépée, hello, hennit, émail,
émaux, ave, aèrent, décaper, décaver, hériter, cessez, élider, agioter, abbaye,
émotter, pays, effacer, huis, vécu, hélix, ému, Hainaut, aisselles, hua,
éraillèrent, veillèrent, huèrent, agiter, haver, héros, héraut, Hérault, Erro, béat, hottée, aînesse, Hyères, hier, géhennes,
acheter, achever, Théo, ail, haïssaient, éluder, oille, hériter, érodez,
caille, caillèrent, cailleter, caillot, augée, hausser, hisser, élever, eyra,
achat, émis, gîter, cahoter, décuver, idées, idéaux, idéelle, aérèrent, abbé,
âgés, oyat, péager, hellène, cuber, gibet, occupé, essuyèrent, végéter, haïkaï,
élodée, herser, œil, œillère, Sécu, œuvé, yen, ipé,
aillèrent, aimèrent, achopper, casser, déité, élavée, hiémaux, effeuillèrent,
énième, éricacées...
Chaque mot peut se lire comme une
succession de lettres épelées : les romans de cape et d’épée sont de
K-P-D-P, essuyèrent se prononce S-U-I-R, et Hergé R-G.
Alphonse Allais aimait
ce divertissement. Un sien texte, paru dans Le Journal du 20 septembre
1900, raconte l’histoire d’Haydée Cahen, juive algérienne qui m’a fait bien souffrir
dans le temps. Il est intitulé : O DS FMR.
Haydée Cahen est née au pays des hyènes et elle y a été élevée.
Elle est sémite et athée. Elie Zédé l’a chopée occupée à chahuter avec Huot, abbé à Achères, et Lucas, évêque à Sées, etc., etc.
— J’abrège,
dit l’auteur, à cause de la chaleur qu’il fait, de la soif qui s’ensuit,
et du litre de cidre que je dois aller quérir si loin !
Le texte se transcrira
ainsi :
AID KN N
E O PI DIN E LIA ET LV
L SMIT
AT.
LI ZE
LHOP OQP HAUT AVQO AB A HR LUK EVK C...
Georges Perec fut
séduit aussi, lequel proposa un drame en trois actes, construit sur la
succession des 26 lettres de l’alphabet (on trouvera le texte complet, muni des
indispensables explications, dans Oulipo,
la littérature potentielle sous le titre Les horreurs de la guerre) :
- Abbesse, aidez !
- Euh...
- Eh, Feu !
- J’ai...
- Ah ! Chi-gît
K !
- ... Et les mène au Pecq !
- Hue !
- Eh, restez !
- Hue !
- Vai
doux.
- Bleu ?
- Vai.
- Hic !
- Six grès que z’ai !
- Deux !
Agnès Rosenstiehl et Pierre
Gay proposèrent cinq autres contes de ce type en octobre 1984 dans la
collection « Folio Cadet » (n°63) sous le titre L’alphabet
fait des histoires.
Rappelons aussi le tour de force
de Patrick Flandrin qui recomposa, au chapitre pangramme, un alphabet parlé complet.
Nettement plus sérieux (?), ce
poème de Louise de Vilmorin, L’alphabet des aveux, dont nous
laisserons le déchiffrement aux lecteurs :
ABI ABI
G AC CD ME OBI
E WQ REV FUI
OJVMO MIL MR
ABI ABI
LN MA FY LHR LET
La licence que partagent ces
textes veut qu’on prononce é la lettre E (E WQ sera donc lu
ci-dessus et double vécut). Si l’on adopte ce point de vue, la liste qui
ouvre ce chapitre peut s’enrichir de mots supplémentaires comme :
béer, aider,
épée, écu, été, haché, ailé, aimé, aîné, henné, errer, huer, aérer, hébété,
hévéa, étêté, écuelle, élégie, essayer, essayèrent, écaille, écuyer, écuyère,
éveillé, saietter, cuillerée, ailier, cahier, payer, écuisser, équidés, yé-yé,
yo-yo...
Évoquons encore, sur le mode
ludique, le livre de Yak Rivais et de Michel Laclos (École des
Loisirs), Les sorcières sont N.R.V. ; on y joue dans les S K
liés, on y est M U, on y mange du H I de limace...
Quels mots français record de ce
type avons-nous ? Le plus long semble être émerveillèrent (MRVIR), 14
lettres ramenées à 5 : il a sa place dans notre B st’I
R, non ?
Trouverez-vous pour la prochaine
fois de quoi parle un fleuriste qui vous recommande ses ZLVIC OIA, LÉIC LOD,
EIÈ ÉXIA, QBB ÉVA ?
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Solution des anagrammes du
chapitre précédent :
nord, sud, est, ouest. Et moulus net fait un seul mot, bien
sûr !
D’intéressantes
annexes
au texte de Marc Parayre, Perec réécrivain.
Un formidable phonnet
de Gilles Esposito-Farèse
paru dans un numéro hors-série de la revue Formules consacré à
« L’insoutenable légèreté des contraintes ».
Une compilation
très riche de mots pouvant s’écrire en alphabets parlants (et chiffres)
a été mise en ligne par Bernard Duburque, ici. Elle a permis à l’auteur
de se répandre là.
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