[Bestiaire ébloui des lexies tératoïdes]

Chapitre 24

Muettes et fonétik

 

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Que présente de particulier la liste qui suit ?

 

Toast, plomb, escroc, lourd, mue, nerf, sang, mach, oignon, knickers, fusil, automne, indemne, oeuf, trop, cinq mille, monsieur, colis, moût, guai, show, doux, yiddish, riz.

 

Ces mots comportent tous une lettre muette ; sont ainsi illustrées dans l’ordre a, b, c, d, e, f, g, h, i, k, l, m, n, o, p, q, r, s, t, w, x, y et z. Manquent à l’appel j et v : comblerez-vous cette lacune ?

 

Les lettres muettes conduisent à s’interroger sur ce qui se prononce ou non dans un mot. Pour avoir l’âme en paix il faut ouvrir le Robert à l’entrée désirée puis tenter de déchiffrer le contenu des crochets qui suivent ladite entrée. Les symboles qui y figurent ont été fixés par l’Association phonétique internationale (API) et sont expliqués au début du dictionnaire. Ceux qui nous intéressent plus particulièrement dans cette chronique sont ceux qui se confondent avec les lettres usuelles d’un clavier de machine à écrire. On obtient alors l’échantillon suivant :

 

i e a o u y j w p t k b d f s v z l m n h x

 

À chaque symbole ci-dessus correspond un son spécifique... qui peut surprendre parfois : reconnaîtrez-vous en [syksedane], [kylas], [pom], [twaz], un succédané, la culasse (du fyzi), la paume (de la main – et non la pomme), une toise ? On voit s’ouvrir là un formidable champ cryptographique qui peut fonctionner dans deux directions.

 

Les extraits suivants, composés par les auteurs illustrent ce fait (les textes complets se trouvent et — l’histoire complète étant toujours la même : un homme embourbé dans une pièce d’eau, curieusement coiffé, étrangement vêtu, trouve encore le moyen de gagner un pari. Il exige alors son dû, un repas, d’un quidam à moitié invalide. Non loin, un religieux frappe de fleurs un adolescent...) :

 

[...] vit lulu, fil-nu la basin d’o, si glas mu e malt, la fin, si pave o gus d’o, la kan (kot e pat), la pli o pus mais, la plate lu sale e sol mil, la mus o sable e la divin glas à l’anis! te (si tas a vide a la fil) ; kif (si lias a fume tu du!).

la, la papote a mate si mus fa su si mas d’on.

 

La clef ? Ce texte n’est pas composé de lettres mais de symboles phonétiques ; il faut remplacer chaque mot ci-dessus par son entrée directe dans le dictionnaire. Substitution faite, on lira :

 

[...] Vite Loulou, file-nous la bassine d’eau, six glass moût et malt, la fine, six pavés aux gousses d’aulx, la cane (côtes et pattes), la plie aux pousses maïs, la platée loup salé et sole mil, la mousse aux sablés et la divine glace à l’anis ! Thé (six tasses à vider à la file) ; kif (six liasses à fumer tout doux !).

Là, la papauté a maté six mousses fats sous six masses d’aulnes.

 

La méthode inverse demande qu’on parte du texte ci-dessous pour aller vers celui qui le suit :

 

[...] Raillas damer lez sablées, matez lacs lycée, moussez : « Ravis douent patte ! bissent ! - Radiner tas piper, Rani, animer lacs tablées, glaner l’anis, lé kil dé vine, l’ast, l’allée-flip, lacs pils, lé blini-Malte, lez démis-belouga, lé tasse d’ibis, lé pylone mille, lé plate d’idée, las saulée-limer ; kiwis, baklava, baba, aulne nez badiner passent ! Raki bout, plane dé kif ! »

Rififi : lé fat dôme vissé l’ados saute dé lusse mate, d’alpha, d’hyphe.

 

La clef consiste ici à remplacer chaque mot du texte par son écriture phonétique ; on lit alors:

 

[...] Raja dame le sable, mate la lise, muse : « Ravi du pat ! bis ! - Radine ta pipe, Rani, anime la table, glane l’anis, le kil de vin, l’asti, l’ale-flip, la pils, le blini-malt, le demi-beluga, le tas d’ibis, le pilon mil, le plat d’ide, la sole-lime ; kiwi, baklava, baba, on ne badine pas ! Raki bu, plan de kif ! »

Rififi : le fat dom vise l’ado sot de lys mat, d’alfa, d’if.

 

[Lise (sable mouvant), dom (religieux), alfa (herbacée), ide (poisson - mais doukipudonktan ?)]

 

 

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Solution du chapitre précédent : le seul autre mot-lieu de la langue française est SINISE (ou 51N 15E) qui renvoie à un point situé en République tchèque (51°de latitude Nord et 15°de longitude Est), tout près de l’Allemagne et de la Pologne : voir l’étoile ici [ou mieux, cette page-ci, que me signalèrent Nicolas Graner et Gilles Esposito-Farèse en janvier 2006 !]

 

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