[Bestiaire ébloui des lexies tératoïdes]

Chapitre 16

Musique du Cachemire

 

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Que scie cette huître neuve d’Is

Once douce

Tresse qu’à tort je crains

Je sais

Je dis :

Ces thés disent Oui

et disent :

Ne fais vain !

(Perec, Comptine, Atlas de littérature potentielle)

 

 

Que dissimulent donc les mots de la liste suivante :

 

Vraisemblance, jaunée, prose, sporange, carouge, brunch, averti, troubleuse, violette, rabougris, urinoir.

 

L’arc-en-ciel des couleurs, bien sûr, qui va du blanc au noir, avec un détour par le gris. (La jaunée est un feu de joie, le sporange un sac de spores, la carouge le fruit du caroubier).

 

Comment interpréteriez-vous cette deuxième série :

 

Zwan0ns, p1k, hi2, oc3, co4, s5ue, 6tine, tran7, 8re, pont-9, 10ie, b11, ac100, fa1000, four1000000s, ha1012s.

 

C’est encore plus simple, on lira, après substitution : zwanzerons (futur de zwanzer, parler à tort et à travers à Bruxelles), punk, hideux, octrois, coquâtre (jeune coq châtré – s’écrit aussi cocâtre), scinque (lézard), Sixtine, transept, huître, pont-neuf (tartelette), dixie (jazz), bonze, accent, famille, fourmillions, habillions (ces deux derniers mots étant des imparfaits : le billion vaut mille millions aux États-Unis et un million de millions en Europe).

 

Tous ces nombres font penser au texte de Perec ci-dessus, non ? Admirons au passage cet autre envoi de René Gotfryd qui mêle le français à l’anglais :

 

Colonel, network, érythréen, fourmi, fivete, sixain, brise-vent, After-eight, canine, détenu, télévendeur…

 

La stéganographie est l’art de dissimuler une information dans une autre et nous y reviendrons. En attendant, que diriez-vous d’un repas au Cachemire où l’on trouverait en abondance :

 

Pepsi-Cola, clairette dorée, retsina douceâtre, mozzarella, salami, gressins, flamiche, lardons, lapereau indonésien, rémoulade, falafels, clafoutis, roudoudous ?

 

On vous offrirait ensuite de pleines brassées de :

 

Coréopsis doucereux, grémil inodore, freesia, ylang-ylang classieux, belladone…

 

C’est simple, chaque mot du menu comme chaque fleur contient deux notes de musique exactement (Cachemire, par exemple, cache mi et ). Juste retour des choses direz-vous, puisque les notes de musique ayant cours dans les pays de langue latine furent inventées par Guido d’Arezzo, moine du 11e siècle qui joua aux acrostiches avec un hymne à saint Jean-Baptiste :

 

Ut queant laxis

Resonare fibris

Mira gestorum

Famuli tuorum

Solve polluti

Labii reatum

Sancte Iohannes...

 

L’initiale des deux derniers mots fournit le si (mais d’où vient le do ? on n’en sait trop rien, la seule chose sûre étant qu’il n’est pas attribuable à Gian-Battista Doni, musicien italien mort en 1650, car cette note était attestée près de cent ans plus tôt chez l’Arètin).

 

Quels sont les mots record du jour ? Ceux-ci, peu amènes il est vrai, et à l’imparfait du subjonctif, ils contiennent chacun quatre notes différentes, on pourrait les mettre en musique :

 

autogulassiez (UT RE LA SI)

bredouillassions (RE DO LA SI),

farandolassiez (FA DO LA SI),

prédominassions (RE DO MI SI),

redormissiez (RE DO MI SI),

redoublassions (RE DO LA SI),

redoutassiez (RE DO UT SI).

 

Les auteurs, malgré de longues recherches, ne sont pas parvenus à caser plus de quatre notes différentes dans un mot1. En revanche ils ont réussi à insérer la gamme complète en cette paire musicale :

 

FAranDOLAsSiez / SOLMIseREz

 

(farandoler, d’après Daudet, c’est danser la farandole, solmiser c’est chanter en nommant les notes).

 

 

Voici d’autres variations sur la gamme.

 

Sur le modèle d’ELDORADO dont les lettres s’anagramment en exactement quatre notes (DO DO RE LA), retrouver les origines musicales des mots suivants :

 

fraise, maffia, lordose, rissolé, rafale, sérail, merisier, affaires, dolorisme, mariolles, roseliers, assailli, malfaire, réaliser, raréfiés, iodleras, foirades.

 

Les formes verbales suivantes sont un mélange de cinq notes :

 

refermerait, affermerais, érailleras, référerais, résilieras, affalerais, éraflerais, déformerai, remaillerais, effraieras, émorfileras, salifieras, démolirais, modifieras.

 

Ces deux derniers mots présentant la particularité d’utiliser cinq notes différentes. Voici, en six notes, les records des auteurs :

 

similiserais, essorillerais, fossiliserais (respectivement 12, 13 et 13 lettres).

 

Ferez-vous mieux ?

 

Tiens, combien de notes peut-on caser au maximum dans une date du 21e siècle ? Il y en a six dans le prochain « mercREdi tREize décembRE deux MIlle quatRE-vingt quatRE » (ou 13/12/2084), mais nous avons fait mieux en fin de chapitre suivant...

 

 

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1 Jean-Charles Meyrignac a réussi, lui ! SulfamidorÉsistance cache cinq notes soudées : fa, mi, do, ré, si !

Quant à SIMILAIRE il en comporte quatre – mais ce mot est plus sexy que les sept imparfaits du subjonctif mentionnés plus haut.

 

 

Solution du chapitre précédent (proposée par Mme Van Bockstal de Waterloo) : le plus petit nombre dont l’écriture comporte 12 i est 3378378, soit trois millions trois cent soixante-dix-huit mille trois cent soixante-dix-huit (et non siiiiiiiiiiiix ! comme il nous fut suggéré par ailleurs...)

 

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